Quand on parle aujourd’hui de coiffage pulpaire, on pense immédiatement à MTA, ou Biodentine.
Pourtant, pendant des décennies, nos prédécesseurs (et moi-même d’ailleurs) ont réalisé les coiffages avec de l’hydroxyde de calcium.
Ce matériau est-il toujours d’actualité ?
Ou est-il complètement obsolète ?
C’est le sujet que je vous propose d’aborder pour cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Academie, organisme de formations pour chirurgiens dentistes.
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Le coiffage pulpaire est une procédure qui est réalisée lorsque la pulpe est exposée au milieu buccal. Cette exposition peut survenir soit lors du curetage d’une carie profonde, soit à la suite d’ une fracture coronaire lors d’un traumatisme. La pulpe est alors exposée aux bactéries de l’environnement buccal et sa première réponse est inflammatoire. D’abord superficiellement, puis de proche en proche, l’infection pénètre au sein du tissu pulpaire qui continue à se défendre par l’inflammation.
En l’absence de traitement, le processus s’emballe jusqu’à l’inflammation complète de la pulpe camérale, voire radiculaire. Le tissu pulpaire finira par se nécroser offrant ainsi aux bactéries le substrat idéal pour se développer et contaminer l’endodonte.
Je n’aborderai pas ici la pertinence de conserver la pulpe vivante, quand cela est possible, plutôt que de préférer réaliser le traitement canalaire après pulpectomie.
Considérons ici que la pulpe peut être conservée vivante et que l’on ait l’intention de la conserver ainsi. On peut alors discuter du choix du matériau, de la technique, de plein de choses… Mais on en oublie souvent l’essentiel finalement. Quel est le but ?
Et bien tout simplement d’éviter le contact des bactéries avec la pulpe et secondairement de déclencher une réaction inflammatoire qui sera délétère.
Pour ce faire, et bien il suffit de rétablir une séparation franche entre le milieu infecté et la pulpe sous-jacente.
On en revient donc toujours à la même chose, assurer l’étanchéité !
Non pas d’un fluide, mais l’étanchéité aux bactéries.
Alors, comment obtenir cette fameuse étanchéité ?
Elle peut être obtenue de deux façons :
La première est de placer un matériau qui sera scellé aux parois dentinaires bordant le site d’exposition.
La seconde est en créant une barrière biologique au contact du matériau. En résumé, en induisant la formation d’une barrière minérale, supposée être étanche, à la superficie de la pulpe afin de l’isoler du milieu hostile , celui de la cavité buccale.
Ces deux situations diffèrent par un élément essentiel, celui du temps.
En plaçant un matériau dont on peut contrôler le durcissement et en s’assurant qu’il adhérera aux parois bordant la plaie, on obtient une étanchéité immédiate.
Mais qu’en est-il à long terme ? Cette étanchéité sera-t-elle toujours la même dans 6 mois, 1 an ou 10 ans ? Quiconque pratique la voile et le nautisme sait pertinemment qu’en situation hostile, n’importe quel matériau perd de son étanchéité. Et les talons d’Achille sont en général les joints au niveau des jonctions.
Lorsque l’on place un matériau destiné à induire la formation d’une barrière minérale, l’obtention sera obtenue après plusieurs semaines (voir plusieurs mois) de contact – le temps nécessaire pour que la réaction biologique s’opère. En attendant, il n’y a pas d’étanchéité, et le processus de cicatrisation peut échouer s’il est plus rapide que la cicatrisation biologique. Tout est une question de cinétique.
Dans les années 90, l’école japonaise proposait des coiffages pulpaires en plaçant directement au contact de la pulpe un composite collé. Les résultats immédiats étaient très bons, mais on remarquait de nombreuses nécroses pulpaires à moyen et long terme. La toxicité supposée des résines de composite était souvent incriminée pour expliquer ces échecs. Finalement, en réfléchissant bien, c’était probablement la perte d’étanchéité latérale liée à une dissolution du joint de collage qui pouvait être à l’origine de la percolation bactérienne et donc de l’échec.
Une école plus ancienne consistait à protéger la pulpe avec un hydroxyde de calcium, pur de préférence.
À son contact immédiat, la pulpe déclenche un processus de minéralisation, un peu anarchique, aboutissant à la formation de ce que l’on appelait un pont dentinaire. Ce matériau était recouvert d’un matériau d’obturation coronaire dont l’étanchéité pouvait laisser à désirer s’il n’était pas placé dans les conditions requises.
Les premières démonstrations de cette cicatrisation biologique remontent aux travaux de Zahnder en 1937.
Alors pourquoi y avait-il quand même des échecs ?
Pour deux raisons :
Lorsque l’on a bien compris cela, l’intérêt d’utiliser des matériaux de la famille des biocéramiques devient évident. Tout simplement parce que d’une part ces matériaux assurent une étanchéité parfaite en adhérant directement à la dentine et d’autre part car leur produit de dissociation aboutit à la libération d’hydroxyde de calcium, qui rappelons-le est le produit de choix pour assurer la formation d’une barrière minéralisée.
Donc ces matériaux associent les deux avantages : une étanchéité obtenue immédiatement et une deuxième étanchéité biologique qui va se mettre en place secondairement. Le problème de cinétique de cicatrisation en compétition avec la progression bactérienne n’existe plus.
Alors Hydroxyde de calcium ou biocéramique pour le coiffage pulpaire ?
Pour des raisons pratiques et ergonomiques, il est à mon avis préférable d’utiliser des matériaux de la famille des biocéramiques. Cependant, il n’y a aucune raison de considérer que l’hydroxyde de calcium est obsolète. Tout simplement parce qu’il reste l’élément constitutif des biocéramiques.
Cependant si on décide de continuer à utiliser l’hydroxyde de calcium pour faire des coiffages pulpaires, il faudra être extrêmement vigilant sur le contrôle de l’étanchéité de l’obturation qui sera mis par-dessus.
Étanchéité immédiate et à long terme.
Voilà, on pourrait discuter encore longtemps sur le sujet, mais je crois que l’essentiel est quand même là.
A très bientôt.
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