#103 – Les nouvelles recommandations S3 : La désinfection
Comme nous l’avons indiqué dans la précédente édition, nous avons décidé de consacrer une série de trois réponses aux publications des S3 Guidelines de l’ESE. Aujourd’hui, nous abordons la question de la désinfection : l’utilisation d’instruments complémentaires pour optimiser la désinfection est-elle scientifiquement validée ?
Dans cette réponse, nous abordons les recommandations de l’ESE concernant les techniques additionnelles d’activation des solutions d’irrigation. Devons-nous activer ces solutions avec des ultrasons, des lasers, des techniques manuelles dynamiques ou encore des approches innovantes comme la désinfection photo-activée ou l’utilisation d’ozone ?
Selon les directives, dans le traitement de la parodontite apicale, il est suggéré de ne pas recourir systématiquement à ces systèmes complémentaires.
Un manque de validation scientifique
Pourquoi cette prudence ? Tout simplement parce que les preuves scientifiques ne valident pas ces pratiques. Les directives se fondent sur des revues systématiques rigoureuses, réalisées selon les standards PRISMA, incluant 14 études, dont la majorité étaient des essais cliniques randomisés. Ces travaux ont évalué des critères tels que la survie des dents, la guérison apicale ou la gestion de la douleur post-opératoire.
Malheureusement, ces études révèlent des faiblesses importantes : les données disponibles ne permettent pas de prouver l’efficacité des traitements complémentaires. De plus, la qualité des preuves est jugée faible à très faible, rendant difficile la généralisation des résultats.
Des résultats faibles ou non significatifs
Lorsqu’on compare les techniques complémentaires à une irrigation classique avec une aiguille, les différences observées sont faibles ou non significatives. Par exemple, l’activation ultrasonore montre une amélioration de 12 % dans la réduction des lésions périapicales, mais cette différence n’est pas statistiquement significative. Concernant la douleur post-opératoire, aucune différence notable n’a été constatée entre les groupes utilisant des lasers, des techniques dynamiques ou des méthodes classiques.
Ces résultats ont conduit à une recommandation négative dite “faible” : ne pas utiliser systématiquement ces thérapies, faute de preuves solides et en raison des coûts supplémentaires qu’elles impliquent.
Un débat parmi les cliniciens
Cette recommandation soulève un débat. Certains craignent qu’elle puisse être mal interprétée, laissant penser que la désinfection optimale des canaux est secondaire. Pourtant, nous savons tous que la propreté des canaux est essentielle à la réussite des traitements.
En parallèle, bien que les données cliniques soient limitées, les recherches en laboratoire indiquent que les techniques d’activation améliorent la propreté des canaux, éliminant davantage de débris résiduels après une irrigation classique.
Le coût des équipements reste un facteur clé. Un laser à 80 000 € ne peut être comparé à une pointe ultrasonique plus abordable. Cependant, toutes les approches ne justifient pas des dépenses importantes, surtout en l’absence de bénéfices cliniques clairs.
Nos conseils pratiques
Face à ces directives, que pouvons-nous faire ? Nous vous conseillons de :
- Prioriser la rigueur dans le nettoyage et la préparation des canaux (longueur de travail, élargissement apical, irrigation dosée en volume et durée).
- Envisager des techniques simples et peu coûteuses d’activation pour les cas complexes.
Gardons à l’esprit que les directives ne sont pas des lois. Elles doivent être adaptées à chaque patient et à chaque contexte clinique.
En conclusion
Si les preuves actuelles ne justifient pas l’utilisation systématique des thérapies complémentaires, elles ouvrent des perspectives intéressantes. En pratique, l’utilisation d’outils comme les ultrasons ou le laser montre des résultats convaincants en termes de nettoyage des canaux, ce qui peut améliorer les pronostics.
Nous devons faire preuve de discernement entre les recommandations scientifiques et notre expérience clinique. L’evidence-based dentistry repose sur la littérature mais aussi sur l’expérience des cliniciens et de leurs pairs.
Pour conclure, rappelons cette phrase de Fred Barnett lors d’un congrès en 2024 : “Le laser ne permet peut-être pas de faire mieux, mais il permet de faire beaucoup plus.”
Nous vous invitons à nous rejoindre le mois prochain pour la troisième et dernière partie de cette analyse, consacrée à l’obturation.
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