#111 – L’utilisation de l’intelligence artificielle

Aujourd’hui, nous allons aborder un sujet fascinant, qui suscite autant d’enthousiasme que d’interrogations : l’intelligence artificielle.
Omniprésente dans les médias, les congrès, les conversations entre confrères, elle semble désormais incontournable.

Mais qu’en est-il réellement dans notre pratique quotidienne, en endodontie ?
Est-elle déjà un outil clinique… ou encore une promesse de laboratoire ?

C’est ce que nous allons explorer ensemble dans cette Réponse d’expert.

Quand la science-fiction entre au cabinet

Imaginez : vous venez de terminer un traitement, vous prenez une radiographie, et en quelques secondes, un logiciel vous annonce : “Probabilité de cicatrisation : 87 %.”

Séduisant, non ?
Mais est-ce que c’est déjà une réalité… ou encore de la science-fiction ?

En endodontie, la question n’a jamais été seulement “Puis-je traiter ?”, mais bien “Ce traitement a-t-il une chance de réussir ?”
Traditionnellement, nous basons nos pronostics sur des critères cliniques connus : présence ou non d’une lésion périapicale, qualité de l’obturation, étanchéité coronaire…
Des éléments que nous avons déjà eu l’occasion d’approfondir dans nos programmes Endo Papers, en vidéo et en podcast.

Mais reconnaissons-le : entre deux praticiens, les interprétations peuvent varier.
Et c’est là que l’intelligence artificielle entre en jeu, avec la promesse d’une objectivité nouvelle, capable d’analyser des milliers de cas en un temps record.

Ce que l’IA sait déjà faire

Grâce au deep learning, l’IA sait déjà détecter des lésions apicales avec une précision parfois supérieure à celle d’experts.
Plusieurs études l’ont démontré :

  • Setzer et al., 2020 ont montré qu’un réseau de neurones pouvait identifier des lésions sur CBCT avec une précision bluffante.

  • Orhan et al. ont obtenu des résultats comparables à ceux de radiologues expérimentés.

En pratique, cela se traduit déjà par des outils concrets :

  • Alison, pour l’analyse d’imagerie 2D,

  • Diagnocat, pour l’imagerie 3D.

Ces logiciels assistent le clinicien dans la lecture et l’interprétation radiologique, un gain de temps précieux et un filet de sécurité supplémentaire.

Mais prédire un pronostic, c’est autre chose.

Les limites actuelles : données, biologie et compréhension

Car prédire, ce n’est pas seulement “voir”.
C’est comprendre et anticiper, en intégrant des paramètres cliniques, biologiques et humains.

Et là, plusieurs limites apparaissent :

  1. Les bases de données :
    Beaucoup de modèles d’IA sont entraînés sur des milliers d’images issues d’un seul centre ou d’un seul type d’appareil.
    Résultat : un algorithme performant à New York peut s’avérer bien moins fiable à Paris ou Tokyo.
    Comme le rappelle Schwendicke (2020), sans données multicentriques et standardisées, il est impossible de généraliser les résultats.

  2. La biologie :
    Une dent, ce n’est pas qu’une image.
    Le succès dépend aussi du système immunitaire du patient, de la qualité de la restauration finale, ou encore de la technique opératoire.
    Or, ces éléments ne sont pas encore intégrés dans la plupart des modèles.

  3. L’explicabilité :
    L’IA peut donner un chiffre, mais pas toujours une explication.
    Et en clinique, comprendre pourquoi reste essentiel à toute prise de décision.

Vers une endodontie augmentée

L’avenir, pourtant, s’éclaire.
Dans les prochaines années, nos logiciels radiologiques intégreront probablement des modules d’aide à la décision :
un “score de risque” ou une “probabilité de succès” calculée à partir d’images, de données cliniques et biologiques.

L’objectif ?
Pas de remplacer le praticien, mais de l’accompagner dans ses décisions et d’améliorer la communication avec le patient.

C’est ce qu’on appelle la multimodalité : combiner plusieurs sources de données (radiographies, CBCT, historique médical, etc.) pour créer des modèles plus justes.
Selon Schwendicke et al., 2023, c’est cette approche qui permettra enfin d’obtenir de véritables modèles prédictifs et cliniquement utiles.

Et il existe déjà des exemples inspirants :
L’application Dental Trauma Guide, développée par l’équipe du Pr Jens Andreasen, permet de prédire le pronostic d’une dent traumatisée à partir de milliers de cas réels.
Une preuve qu’avec des bases de données solides, la prédiction clinique devient possible.

Ce qu’il faut retenir

Alors, peut-on aujourd’hui utiliser l’IA pour prédire le succès d’un traitement endodontique ? Pas encore.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle excelle pour détecter et analyser, mais la prédiction reste un défi.
Demain, en revanche, elle deviendra un allié incontournable.
Pas pour remplacer le jugement clinique – qu’aucune machine ne pourra égaler – mais pour l’éclairer, le renforcer et le rendre plus précis.

 

Conclusion

L’intelligence artificielle ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une opportunité : celle de mieux comprendre, mieux décider, et mieux communiquer.

Et chez Endo Académie, nous continuerons à suivre de près cette révolution numérique qui, tôt ou tard, transformera notre manière de pratiquer.

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