Est-ce que la preuve scientifique est indispensable pour valider une procédure clinique ? Est-ce que toutes nos procédures endodontiques doivent être Evidence Based ?
C’est ce que je vous propose d’aborder cette semaine dans la nouvelle réponse d’Expert d’Endo Académie
Récemment au cours d’une discussion sur un réseau social, un praticien essayait d’en convaincre un autre de l’intérêt d’une nouvelle procédure. La discussion s’est terminée lorsque le second l’a mis « Pat » pour reprendre un terme de jeu d’échec en lui disant, « ton truc n’est pas Evidence Based ».
Cette discussion était intéressante car la procédure en question est utilisée depuis de nombreuses années, par de nombreux praticiens, et semble donner des résultats pas plus mauvais que pour les autres techniques approches thérapeutiques.
Pourtant, aucune étude clinique n’a jamais évalué l’intérêt de cette technique. En l’absence de données cliniques et scientifiques, aucune publication n’est possible et donc cette procédure ne sera jamais Evidence-Based.
En endodontie, il y a eu une période où l’Evidence-Based gouvernait, était le fil conducteur des conférences. On assistait alors à des revues ou des synthèses de littérature sur un sujet par un expert dans le domaine, qui, publications à l’appui nous démontrait le bien-fondé de sa réflexion.
Pourtant, lorsque l’on connait le sujet abordé, il apparaissait très vite et de façon évidente que la sélection de la littérature était orientée, et que de nombreuses références n’étaient pas mentionnées. Probablement d’ailleurs parce que les conclusions n’allaient pas dans le sens de ce que voulait démontrer l’orateur.
Quel crédit apporter alors à une conclusion annoncée comme Evidence Based mais qui à l’évidence ne l’est pas forcément.
Le conférencier est-il pour autant malhonnête ? En fait non. Et il fait bien de l’Evidence Based. Car dans sa sélection, il associe son expérience personnelle
La littérature fait partie intégrante de l’Evidence Based Medecine. Mais elle n’est pas la seule. La définition fournit par le centre pour l’Evidence Based Dentisty de l’American Dental Association est assez explicite.
L’EBD intègre l’expertise clinique des cliniciens, les attentes et souhaits du patient, et bien entendu les preuves scientifiques et cliniques publiées.
Les preuves scientifiques sont quant à elles classées en fonction de leur « puissance ». Il est évident qu’un rapport de cas clinique n’a pas la même puissance scientifique qu’un essai randomisé en double aveugle multicentrique. C’est ce qui est représenté sur cette pyramide. Il existe également la classification d’Oxford qui permet de graduer la puissance d’un article.
C’est d’ailleurs cette classification qui est utilisée dans le journal club d’Endo Académie que je vous invite à rejoindre si vous vous intéressez à la littérature endodontique.
Si ces données sont intéressantes, elles ne suffisent pas pour valider à elle seul un principe thérapeutique. De la même façon que la seul expérience clinique d’une personne ne suffit pas pour considérer et valider une technique opératoire.
Si l’on ne prend en considération que la littérature des validations par des études de forte puissance, et bien rien, en endodontie, ne peut être considérée comme Evidence Based.
Par contre si l’on y ajoute l’expérience clinique des praticiens, les choses sont différentes. L’intérêt de l’hypochlorite de Sodium pour la désinfection, l’obturation tri dimensionnelle, la nécessité de préparer un canal pour le mettre en forme, etc. sont des points dorénavant validés par tous.
Néanmoins, la concentration de la solution, la technique de compaction de la gutta percha voire même son intérêt, ou encore le choix de la conicité de mise en forme, sont autant de facteurs qui n’ont jamais été démontrés comme des éléments clefs et non discutables pour influencer le pronostic à long terme.
En fonction de notre propre formation en endodontie, nous sommes convaincus de l’intérêt de telle ou telle technique ou encore de tel ou tel instrument pour y parvenir. Les études cliniques sont « pauvres » car elles sont très difficiles à mettre en œuvre et surtout elles coûtent très cher. Et je parle en connaissance de cause.
Il y a tellement de facteurs qui peuvent influencer un pronostic et un résultat que la conception des études est extrêmement difficile à mettre en œuvre. Et je doute même qu’elle ne soit possible pour valider l’intérêt d’une lime par rapport à une autre.
Tout simplement que la littérature est importante, mais qu’elle ne suffit pas pour considérer une technique opératoire comme recevable. Parallèlement il est important également de considérer également que sa propre et seule expérience ne suffit pas pour valider quoique ce soit. Nous avons tous entendu de nos pairs le fameux « je fais ça depuis 20 ans et je n’ai jamais eu de problème ».
Ma propre expérience de 24 ans aujourd’hui pourrait donc me conforter dans mes choix au quotidien et me laisser aller à la facilité considérant que le Graal est atteint et qu’il ne me reste qu’à reproduire des gestes acquis pour les 25 ans à venir. Pourtant cette expérience, plutôt que de me tranquilliser m’oblige à me remettre en question. Car au final, en médecine, rien n’est acquis… et c’est bien heureux.
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