Les discussions sur les échecs de l’anesthésie à l’épine de Spix, c’est comme la maintenance informatique. Quand vous soulevez le problème, on vous explique que cela n’arrive qu’à vous !
Parce que j’ai des échecs avec cette technique, je me suis intéressé à la question. Et pour cette 54ème réponse d’expert d’Endo Academie je vous propose d’identifier les causes d’échec qui sont loin d’être seulement technique !
L’intérêt d’utiliser l’anesthésie à l’épine de Spix est un sujet à controverse. Nombreux sont les praticiens qui ne l’utilisent jamais, et parviennent cependant à soigner leur patient convenablement, et d’autres la systématisent pour des soins mandibulaires.
Malgré les différentes techniques, trucs et astuces qui nous sont enseignées pour réaliser une anesthésie sans échec, il faut quand même bien reconnaitre que le taux de succès est loin d’être de 100% lorsque il s’agit de faire un traitement canalaire sur une molaire mandibulaire présentant une pulpite irréversible.
Pire encore…. Le signe de Vincent est bien là ! confirmé par le test de la sonde sur la lèvre, et pourtant dès que la fraise s’approche de la dent, le patient nous fait bien comprendre qu’il va falloir faire quelque chose.
S’engage alors une discussion étrange avec notre patient. « ce n’est pas possible que vous sentiez quelque chose, puisque votre lèvre est anesthésiée ! ». Et le patient de répondre que « signe de Vincent ou pas » il a mal.
Le réflexe dans ce cas là est d’injecter une second cartouche d’anesthésie.
L’effet « coupe de poing » est doublé, mais la dent toujours pas plus approchable avec le spray.
Et de façon très étrange, alors que le patient souffre vraiment, on se surprend à mettre en doute ce qu’il dit, le considérer comme « doudouille », de lui dire, « mais ça vous fait mal comment ? très mal ou un peu mal ? ». le stress monte, l’assistante commence à blanchir car cela va bientôt être de sa faute. Le patient transpire. Et le praticien avec.
Un scénario que chacun d’entre nous a déjà connu, et craint à chaque fois qu’un patiente se présente en urgence avec une pulpite sur une moalire mandibulaire.
Parce que nous souvenirs d’étudiants remontent souvent, nos première idée est de considérer que l’on a fait une erreur avec la technique d’injection. Ou que l’on a mal choisi la cartouche et que l’utilisation d’un vasoconstricteur empêche la diffusion du produit, et est donc la raison de l’échec.
Mais comment expliquer dans ce cas la présence du Signe de Vincent.
L’anesthésie de la branche terminale du nerf alvéolaire inférieur confirme bien que le produit a été injectée en bonne place. Et pourtant.
J’ai retenu entre autres deux papiers. Le premier est celui de Cohen, Cha et Spanberg (1). Le titre et évocateur. En gros, ils ont pratiqué des anesthésies tronculaires, demandé au patient s’il ressentait l’insensibilitié de la lèvre inférieur, et ont ensuite réalisé un test de sensibilité sur les molaires. Sur les 61 patients testés ayant confirmé la présence du signe de Vincent, 23 continuaient de répondre aux tests au froid ! Ils concluent donc que la paresthésie de la lèvre inférieure n’est pas un bon marqueur de l’anesthésie du nerf alvéolaire inférieur. Leur seconde recommandation était de toujours faire un test « au froid » après anesthésie, avant de commencer à tailler la dent.
En 1998, Nusstein (2) concluait que 42% des molaires présentant une pulpite nécessitaient un complément d’injection en intra osseuse pour obtenir un silence clinique compatible avec une prise en charge dans de bonnes conditions. Ce qui est intéressant d’ailleurs dans cette étude, c’est qu’il incluait dans son recrutement des molaires maxillaires. Mais les principaux problèmes rencontrés étaient à la mandibule.
Un an avant, en 1997, Kennedy et ses amis (3) rapportaient, à partir d’une synthèse de plusieurs papiers, que l’anesthésie tronculaire à la mandibule présentait entre 41% et 84% d’échecs.
Lorsque le localisateur est utilisé en même temps que la fonction rotation ou réciprocité, la lime n’est jamais à l’arrêt. d’une part à cause du mouvement circulaire induit par le moteur et d’autre part à cause du mouvement de va-et-vient vertical imposé à l’instrument lors de la mise en forme pour éviter de créer de faux canaux.
Cette mise en double mouvement perturbe la fonction “localisation” et diminue donc la précision du geste.
Après m’être rassuré sur le fait que cela arrive aussi aux autres, il me semblait peu probable que la seule erreur technique soit à l’origine de tous ces échecs.
Pour mieux comprendre, il faut se remémorer le fonctionnement de l’anesthésie.
La conduction de l’influx nerveux sur une fibre se fait par un transfert de dépolarisation de proche en proche sur une fibre nerveuse. Fibre chargée positivement à l’extérieur et négativement à l’intérieur.
La dépolarisation est engendrée par une entrée massive de cations sodium par les canaux sodiques.
L’anesthésie fonctionne en bloquant ces canaux par encombrement et obstruction par la molécule, empêchant ainsi le transfert des ions sodium.
En présence d’inflammation, deux facteurs biologiques vont interférer avec ces processus
Et plus l’inflammation est avancée, plus il sera difficile d’obtenir une anesthésie de la pulpe concernée.
Et bien voilà… voilà une explication qui va nous rassurer.
Surtout que si le problème vient effectivement de là, et bien il suffit d’agir sur l’inflammation, réduire ainsi l’excitaibilité nerveuse ce qui devrait améliorer notre taux de succès… sans changer de technique d’injection !
C’est en s’appuyant sur cette hyopthèse que plusieurs auteurs se sont intéressés à la présccritpion pré anesthésique. En posant tout simplement la question, « est ce que prescrire des AINS avant de faire une anesthésie tronculaire permet d’améliorer le résultat ».
A l’exception de deux études qui ne valident pas cette hypothèse, nombreuses sont celles qui la confirment.
En synthèse, on pourra retenir la revue systématique dirigée par Franck Setzer en 2018 (4) qui confirme après lecture et Meta Analyse de 13 papiers retenus traitant de la question, que la prescription d’ibuprofène à une dose minimale de 400mg, 15 minutes avant l’injection permet d’optimiser les effets de l’anesthésie. Un geste simple, qui peut rendre de grands service
Pour encore améliorer le silence opératoire, rappelons que les injections complémentaires sont d’un bon secours. Notamment l’injection intra osseuse avec les injecteurs électroniques par exemple. A ce sujet, je vous renvoie vers la réponse d’expert n° 6 qui traite de l’intérêt de ces injections complémentaires.
Parce que l’endodontie a longtemps été considérée comme une discipline compliquée à appréhender, voire même ésotérique, nous avons une fâcheuse tendance à incriminer les outils, les instruments, ou les techniques pour expliquer nos échecs.Le tournant qu’a pris la discipline il y a quelque temps en impliquant plus fortement la biologie dans la compréhension des choses, nous permet de réorienter notre façon de voir les choses et les appréhender.
Alors que la formation en endodontie a longtemps été très orientée sur l’instrumentation et la technique opératoire, chez Endo Académie nous la réorientons avec une approche plus cognitive et moins technique. Et au final, on revient au vieil adage : le cerveau guide la main, et c’est plutôt une bonne chose !
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