Pour l’obturation canalaire, vous êtes plutôt Biocéramique et monocône ou gutta chaude et technique décrite par le Professeur Schilder ?
L’engouement pour les matériaux bioactifs crée une nouvelle polémique en endodontie. Peuvent ils se substituer à la technique Gold Standard de gutta chaude ?
C’est la question que je vous propose d’aborder ce mois-ci pour cette 55ème réponse d’expert d’Endo Academie
Ma première expérience avec les biocéramiques pour l’obturation canalaire remonte à 2012. Pour la gutta chaude, à plus de 20 ans.
Pour un endodontiste qui a été formé à la technique d’obturation par compaction de gutta chaude, cela peut paraitre surprenant de se retourner vers une technique mono-cône.
Bien que je reste convaincu de l’intérêt de la technique de gutta chaude, je reste également persuadé que le remplissage canalaire avec des biocéramqieus a tout autant d’intérêt. Et c’est d’ailleurs pour cela que nous l’avons rajouté aux programme de formation que nous animons chez endo Académie.
En discutant récemment avec un ami sur les avantages et les inconvénients des deux techniques, je me suis aperçu que, l’on me prêtait des intentions qui ne sont pas les miennes.
Alors cette réponse d’expert est l’occasion de synthétiser mes idées et de m’assurer qu’elles ne sont pas mal interprétées.
Est-ce que j’ai dit que la technique de gutta-chaude n’avait plus d’intérêt ? ma réponse est tout simplement : « non je n’ai jamais dit cela, et je ne l’ai jamais pensé »
Est-ce que j’ai dit que les biocéramiques donnaient de meilleurs résultats que la gutta chaude ? ma réponse est « non je n’ai jamais dit cela, et je ne le pense pas – d’ailleurs rien ne me permettrait de le démontrer ».
Lorsque l’on s’intéresse à une technique, une procédure, une innovation, on peut parfois s’emballer dans son discours. Inversement, lorsque de l’autre côté (celui de la salle) on n’a pas envie d’entendre, on peut écouter et interpréter ce que l’on veut.
Pris d’un doute quand même sur mes discours, je suis retourné dans mes diaporamas pour en vérifier le contenu. Je me suis rassuré en y retrouvant les diapositivies qui confirment que je n’ai jamais tenu ces propos.
Alors au-delà des incompréhensions, peut être est il bon de revenir sur ces notions mal transmises ou mal interprétées.
Malgré les évolutions des dispositifs médicaux qui ont permis de simplifier la technique, il n’en reste pas moins que la technique de gutta chaude reste difficile à mettre en oeuvre, et nécessite une courbe d’apprentissage assez longue. On n’apprend pas à maitriser la technique de gutta chaude en un seul travaux Pratique. Cela permet de la découvrir, mais pour la maitriser, une répétition et l’acquisition d’une expérience personnelle reste indispensable et demande du temps.
J’ai personnellement eu la chance d’être formé à cette technique très tôt dans ma formation. Pourtant, par les puristes, j’ai toujours eu l’impression de ne pas la maitriser comme il le faudrait, bien qu’à titre personnel je me sente assez à l’aise sur sa mise en œuvre.
Parfois compliquer et complexifier les choses peut avoir un effet rebond négatif sur les apprenants. C’est un peu comme si tout le monde ne pouvait intégrer les équipes d’élite ; Si on peut me reprocher quelque chose, c’est peut-être cela. Transgresser cette notion d’élitisme inatteignable. Et c’est peut-être pour cela que je me suis intéressé très tôt à l’intérêt des biocéramiques.
Les deux techniques flirtent sur les mêmes principes de base, mais avec des concepts différents.
Le principe de base commun est que le canal désinfecté doit être comblé d’un matériau. Dans le cas de la technique de gutta chaude, le matériau d’obturation est la gutta percha qui est compactée au sein du canal et scellé aux parois par un ciment de scellement. L’objectif est d’avoir un maximum de gutta-percha et un minimum de ciment puisque ce dernier est le point faible de l’obturation finale. Si une réinfection se fait, c’est au sein du ciment.
Plus il y a de ciment, plus les risques de réinfection et d’échec sont important.
C’est d’ailleurs pour cela qu’une technique de cône scellé n’est pas considérée comme valable.
Pourtant, l’obturation avec les biocéramiques ne fait appel qu’à un seul cône de gutta percha. Un cône placé au sein du matériau injecté dans le canal.
Le raccourci est donc facile à faire. Un cône inséré dans un matériau injecté, rien de plus favorable pour considérer cette technique comme une technique monocône.
Et pourtant…
Pourtant la différence est de taille, puisque dans la technique des biocéramiques, le matériau injecté n’est plus considéré comme un ciment de scellement, mais comme un matériau d’obturation a part entière. Le cône n’est utilisé que comme compacteur de matériau et surtout comme un moyen de réintervenir si le traitement s’avérait être inefficace et qu’une réintervention s’imposait.
Alors si techniquement les techniques se ressemblent, les concepts sont totalement différents. Nous sommes loin du concept du cône scellé.
Pour cela encore faudrait-il que des études indépendantes soient menées. Mais qui a envie de faire cela ? Les partisans de l’une n’auraient ils pas tendance à malmener, peut être inconsciemment d’ailleurs, la seconde et fausser les résultats ?
Mais si on veut aller plus loin, il aura fallu attendre presque 40 ans pour avoir une étude qui semble montrer une différence entre la compaction verticale à chaud et la condensation latérale à froid.
Je le répète, je n’ai jamais dit que la technique de gutta chaude n’avait plus d’intérêt depuis l’apparition des biocéramiques. Tout simplement, parce que je ne le pense pas.
Par contre, et pour l’avoir validé avec mes étudiants et les professionnels que nous formons chez Endo Academie depuis 4 ans, j’ai pu confirmer que la courbe d’apprentissage pour l’utilisation des biocéramiques est bien plus courte que celle pour maîtriser la gutta chaude.
C’est pour cela que nous l’avons intégré dans notre formation pour omnipraticiens, Le Cycle Endodontie Paris. Et nous l’intégrons également dans les formations avancées de l’Advanced class en parallèle des techniques de gutta chaude.
Un des avantages qui me parait évident est l’amélioration immédiate des résultats, au moins radiographiques, des traitements réalisés par ceux qui ont accepté de se former. Ce résultat est plus variable ou peut être plus long à obtenir avec les techniques de gutta chaude.
Dans la même idée, il me semble effectivement inutile pour les praticiens qui maîtrisent parfaitement la gutta chaude de considérer l’utilisation des biocéramiques. A partir du moment où la technique est maîtrisée, elle n’a pour le moment pas d’égal.
En conclusion, je dirais que même si aucun résultat ne démontre une supériorité de l’une par rapport à l’autre, il semble assez évident qu’une technique bien maitrisée avec des biocéramiques donnera probablement de meilleurs résultats qu’une compaction verticale de gutta chaude mal maitrisée. J’ai fait le choix de me former à l’utilisation des deux techniques et pense les maitriser convenablement. Cette double formation me permet de les comparer.
Alors est ce que je les utilise au quotidien ? Ma réponse est « oui »
Est-ce que j’en utilise une plus que l’autre ? ma réponse est « oui » et c’est la gutta chaude. Avec probablement un ratio de 2/3 – 1/3
Pourquoi ce choix ? Tout simplement parce-que quand on maîtrise la gutta chaude, on a l’impression de maitriser ce qu’il y a de mieux. Et on revient toujours, en cas de difficulté, à ce que l’on connait le mieux.
Je n’ai pas pour autant l’impression de bâcler mes traitements lorsque j’utilise les biocéramiques. Pas plus qu’avec une gutta chaude. Mais au moins… j’ai le choix !
Et au final, comme tout le reste, chacun voit midi à sa porte et personne n’impose rien à qui que ce soit. La vraie liberté, c’est d’avoir le choix !
Si vous aussi vous voulez vous former aux deux techniques, n’hésitez pas à venir vous former chez Endo Academie, nous nous ferons un plaisir de vous offrir la liberté d’avoir le choix !
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