Vous recevez un patient en consultation.
Vous faites une radiographie, et vous décelez une lésion osseuse apicale sur l’une de ses racines.
Il s’agit d’une parodontite apicale chronique. Tout le monde s’accordera sur ce diagnostic. Mais est ce que la collégialité sera la même quant à la décision thérapeutique ? Probablement pas. Et c’est pour cela que discuter de la décision thérapeutique est intéressant ;
Et c’est ce que je vous propose de faire pour cette nouvelle réponse d’Expert d’Endo Académie.
Un patient avec une radiographie d’une dent au traitement incomplet, cinq praticiens autour, et cinq décisions thérapeutiques différentes.
Comment cela est-il possible ?
Notre discipline, médicale pourtant, serait-elle aussi peu fiable qu’il n’est pas possible de standardiser nos protocoles opératoires avec des arbres décisionnels ?
A propos d’arbres décisionnels, j’ai encore en mémoire des praticiens qui cherchaient à développer des algorithmes mathématiques pour proposer une aide au diagnostic et à la décision thérapeutique. 20 ans après, le projet n’a toujours pas abouti. Tout simplement peut être car les facteurs que nous utilisons pour prendre nos décisions ne sont pas binaires.
Mais qu’est ce qui fait que les gens ne sont pas d’accord entre eux ?
La littérature regorge aujourd’hui d’études qui montrent des taux de succès en endodontie pouvant dépasser les 90 %. Les méthodes interventionnelles se sont améliorées, les moyens techniques à notre disposition beaucoup plus ergonomiques et efficaces, et pourtant… Pourtant face à une même situation clinique, certains préféreront le retraitement, d’autres une chirurgie, un autre l’extraction et un implant, voir même l’abstention de traitement.
Il y a deux facteurs qui entrent en jeu dans la décision thérapeutique, quelle qu’elle soit d’ailleurs.
Autant il est assez facile d’admettre que deux praticiens peuvent ne pas être d’accord, autant il est plus difficile à concevoir que l’on ne soit pas toujours en accord avec soi-même !
Et pourtant … à qui cela n’est-il pas arrivé de s’interroger sur une décision thérapeutique prise deux ou trois semaines au préalable ?
Beaucoup de facteurs peuvent entrer en ligne de compte dans nos modifications de choix thérapeutiques. Un échec récent, une fatigue accumulée, un doute… plein de facteurs.
Mettons-nous dans la situation où vous venez d’acquérir un nouveau système de désobturation canalaire et de mise en forme. La première utilisation se solde par un succès et une très belle radiographie post opératoire.
Dans le cas contraire, vous venez de tenter un retraitement, et la séance a été compliquée, vous venez de fracturer un instrument et la radio post opératoire est très loin de vos attentes.
Si l’on vous présente une radiographie avec un traitement à reprendre, pensez-vous que vous prendrez la même décision thérapeutique selon que vous sortiez de la première ou la seconde séance ?
Il y a de fortes chances que ce ne soit pas le cas !
Bien évidemment, notre expérience, notre tempérament, notre « Mood » influence notre décision. Elle influence cette décision car c’est elle qui guide notre cerveau au moment où l’on regarde les choses. Comme le disait très bien Mr Abelkeir dans un webinaire récemment, on ne voit pas avec ses yeux, mais avec son cerveau.
Le cerveau reçoit les informations via la vision et l’œil, mais les analyse dans un contexte global qui prend en considération plein d’autre choses.
Voyons maintenant les facteurs inter opérateurs.
Mais avant de les discuter, laissez-moi revenir sur l’histoire de la robe lancée en 2015 sur un réseau social, Tumblr, par une utilisatrice nommée Swiked. Vous vous souvenez de cette histoire ? incroyable.
Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, Swiked a publié la photo d’une robe bicolore en demandant aux membres de sa communauté de dire de quelle couleur ils la voyaient.
De façon assez incroyables, la moitié des gens la voyaient blanche et dorée, tandis que l’autre moitié la voyait Noire et bleue.
Face à cette robe, et de la façon dont on la voit, chacun mettrait sa main à couper qu’il n’y a pas de discussion. Et pourtant…
De cette histoire anodine en est même sortie une étude de neurophysiologie… Les chercheurs ont démontré qu’en fonction de la perception des couleurs de cette robe, les participants avaient des développements spécifiques de leurs zones cérébrales.
Mais il a bien fallu trancher… et les auteurs ont confirmé qu’elle était Noire et bleue. J’avais perdu…
Ceci permet d’expliquer les divergences inter opérateurs dans la décision thérapeutique. D’une part parce que notre cerveau est différent, mais surtout parce que nous l’entretenons et le nourrissons différemment. A la fin, on ne voit plus les choses de la même façon ;
La formation (continue) et l’expérience influencent beaucoup la décision thérapeutique ; Il est évident qu’un praticien qui s’est formé de façon appuyée en endodontie aura beaucoup plus tendance à envisager une réintervention endodontique qu’un praticien qui a plus orienté son exercice et sa formation complémentaire vers l’implantologie. Des exercices et surtout des expériences différentes conduiront à des prises de décisions différentes, parfois très divergentes.
Pourtant face à une dent présentant plusieurs complications endodontiques, un praticien peut se sentir plus assuré dans l’extraction et la pose d’un implant que de se lancer dans un traitement où il ne se sent pas en confiance.
Bien entendu, il reste la solution de déléguer cet acte, mais n’oublions pas qu’en France, l’accès aux endodontistes en dehors des grandes métropoles reste quand même difficile.
Il est facile de s’offusquer d’une décision d’un confrère, mais encore faut-il prendre tous les éléments en considération.
A partir de ce raisonnement, on peut donc conclure qu’une décision thérapeutique est la bonne à partir du moment où elle est prise pour de bonnes raisons.
L’être humain est ainsi fait. Il est différent d’un autre être humain… C’est ce qui lui permet de se différencier du robot !
Parce que notre perception est variable, les décisions le sont aussi. Et il faut accepter que face à une même situation les décisions divergent.
La formation, l’enrichissement, l’expérience bonne et mauvaises sont autant de choses qui vont nourrir notre cerveau et lui permettre de voir les choses différemment, à sa façon.
Et de toute façon, comme disait ma grand-mère : « chacun voit midi à sa porte ! ».
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