Les patients traités avec des anti-résorptifs osseux sont de plus en plus nombreux. Après nous avoir expliqué que les soins dentaires étaient très dangereux avec un fort risque d’ostéo nécrose en postopératoire,
Les recommandations semblent s’assouplir petit à petit.
Mais qu’en est-il de l’endodontie ? Peut-on réaliser un traitement canalaire chez un patient traité avec des biphosphonates ? C’est la question que je vous propose d’aborder cette semaine pour notre nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie.
Lorsque je travaillais à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, je me souviens d’une journée où une collègue de chirurgie Orale est entrée dans mon cabinet avec une radiographie en me disant, « pour cette dent, tu te débrouilles comme tu veux, mais il faut la conserver… »
Face à ma perplexité à la lecture de la radiographie sur la pertinence de la conservation de cette dent fracturée au niveau de la gencive et présentant une lésion apicale d’origine endodontique, elle me fait comprendre qu’il était de toute façon impossible d’envisager son extraction eu égard au traitement très lourd avec des anti-resorptifs osseux que suivait la patiente.
Mon seul plaisir ce jour-là est de voir un chirurgien oral me supplier de conserver une dent. Ce n’est pas tous les jours que cela arrive !
On associe souvent les prescriptions de Biphosphonates au traitement de l’ostéoporose de la femme ménopausée. Pourtant, il y a bien d’autres indications à l’utilisation des anti-résoprtifs osseux qui font que le nombre de nos patients qui suivent de tels traitements augmente régulièrement.
Si l’endodontie est très concernée par ces patients, c’est que le risque de complication avec ostéonécrose après une extraction est loin d’être négligeable, même s’il n’est pas si important que l’on ne nous l’a laissé supposer il y a une dizaine d’années.
Les antirésorptifs permettent de faciliter le contrôle de l’activité ostéoclastique sur la résorption osseuse. Soit en inhibant la différenciation ou la maturation des cellules sanguines en ostéoclastes, soit en inhibant leur fonction voire en favorisant leur destruction par apoptose.
Parce que l’os des maxillaires est sujet à un turn-over très élevé, toute modification de l’homéostasie osseuse a des répercussions rapides sur l’os des mâchoires.
Le problème de ces traitements est la rémanence de leur action et le fait qu’il reste problématique très longtemps après leur administration.
On distinguera les administrations per os, moins problématiques des injections en IV dont la durée de vie est supérieure à 6 mois.
L’implication des traitements dentaires sur le risque d’apparition d’ostéo nécrose chez des patients traités par anti-résorptif a été et continue d’être très discutée. Les études publiées dans les années 2010 peuvent être même très contradictoires. Quand l’équipe de Hoff démontrait une corrélation presque nulle, Estilo montrait quant à lui que 51.4% des patients étudiés en cours de traitement avec des biphosphonates ne guérissaient pas avec une extraction dentaire.
Vathesnavos démontrait lui avec une cohorte de 1621 patients qu’il y avait une forte augmentation de la prévalence de l’ostéonécrose imputable à la prescription de Biphosphonates. Notons cependant que dans cette étude, seules les procédures chirurgicales, prothétiques et parodontales étaient étudiées, mais pas les traitements endodontiques.
Sur ces observations, les traitements endodontiques non chirurgicaux ont donc été considérés comme la porte de sortie. Les dents non conservables pourraient le devenir chez les patients traités par Biphosphonates…
Il y a cependant deux stades du traitement qui pourraient être problématiques chez les patients en cours de traitements :
Pour ces raisons, certains auteurs préconisent une prescription antibiotique avant la réalisation du traitement pour se prévenir de ce risque d’infection secondaire inhérente à la technique opératoire.
Quant à la cicatrisation osseuse, il n’y a aucune étude qui tend à montrer une différence ni dans le processus de cicatrisation ni dans sa célérité.
À part le fait que le traitement canalaire devient une véritable alternative à préférer dans le cas des patients suivant ce type de traitements, les seules recommandations publiées pour le moment, par une société scientifique d’endodontie sont celles de l’American association of Endodontists – Elle date de 2006… Elles ont été complétées en 2012 dans la newsletter « Colelages for excellence » dont vous trouverez le lien dans le message sous la vidéo.
Étant donné le peu d’influence d’un traitement canalaire sur l’apparition des ostéonécroses, il y a finalement peu de recommandations nécessaires.
Voici cependant celles que l’on trouve dans la publication de Moinzadeh en 2013 dans l’International Endodontic Journal. Ces recommandations sont proposées sur un simple raisonnement subjectif des auteurs.
En fait, que des choses banales.
Quant à la prescription d’une antibiothérapie prophylactique, aucune donnée ne permet d’en justifier la pertinence.
Elle peut en revanche se justifier non pas à cause du traitement par antiresorptifs, mais à cause de la pathologie chronique qui en justifie la prescription.
La seule situation dans laquelle les auteurs justifient une antibiothérapie est celle du traitement canalaire d’une dent à pulpe nécrosée et canal infectée, chez un patient traité par Bisphosponates par IV depuis plus de 3 ans.
Et parce que l’Actinomyces est souvent retrouvé dans le cas d’ostéonécroses des mâchoires, l’amoxicilline est la molécule recommandée.
Depuis quelques années, une nouvelle classe d’anti-résorptifs dits anticorps monoclonaux anti-RANK Ligands est préférée dans les situations où cela est possible. Par exemple le Denosumab.
Quelques cas d’ostéonécrose des mâchoires ont été décrits dans ce contexte également, mais on peut penser que les recommandations sont les mêmes.
Donc en conclusion, d’après la littérature disponible sur le sujet, et qui reste néanmoins très limitée, il n’y a pas de contre-indications à la réalisation de traitements endodontiques sur les patients traités avec anti-résorptifs. Je dirai même au contraire… puisque l’extraction s’avère plus difficile.
Quelques recommandations simples suffisent.
Pour en revenir à la patiente dont je vous parlais en introduction…s dent était très délabrée. Plus aucune structure coronaire.
J’avais donc le choix entre clamper en m’appuyant sur la gencive et faire courir à la patiente un risque de développer une ostéo nécrose, ou de faire le traitement canalaire sans digue.
Difficile de choisir entre la peste et le choléra quand même.
J’ai préféré le choléra ce jour-là… et c’est un des très rares cas où j’ai réalisé un traitement canalaire sans digue.
Je m’en souviens encore !
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