Pourquoi lorsque les objectifs techniques sont atteints, le succès de l’endodontie n’est malgré tout pas de 100 % ? On attribue généralement la notion de succès à la qualité de la radiographie post-opératoire, pourtant si le taux de succès d’un traitement était de 100 % sur une belle radio, croyez-moi cela se saurait. Qu’est-ce qui fait donc varier ce taux de succès ?
👇👇👇
C’est le sujet que je vous propose d’aborder pour cette nouvelle réponse d’experts d’Endo Academie, organisme de formations pour chirurgiens-dentistes.
S’il y a bien une chose qui ne se discute plus en endodontie, c’est bien l’implication bactérienne dans le développement de la pathologie périapicale d’origine endodontique. Depuis les travaux de Kakehashi en 1965, il est établi qu’une infection bactérienne intracanalaire déclenche une réaction apicale osseuse qui elle, est inflammatoire. Comme nous le rappelions dans la réponse d’experts 65, la dichotomie infection/inflammation est importante car elle nous rappelle que la lésion apicale n’est pas infectée. La désinfection ne devra donc concerner que le canal radiculaire. En désinfectant et en obturant le système canalaire, nous ne faisons que rétablir un contexte biologique favorable à la cicatrisation parodontale du parodonte profond, et donc à la régénération osseuse.
Alors dit ainsi, il n’y a donc aucune raison pour expliquer que lorsque le traitement est correctement réalisé et qu’il répond aux critères techniques attendus une lésion pourrait ne pas cicatriser et pourtant. Il est important de garder à l’esprit que malgré toutes les procédures de désinfection mise en place lors d’un traitement, la stérilisation complète d’un canal demeure impossible à obtenir. On réduit considérablement la charge bactérienne, mais malheureusement on ne parvient pas à éradiquer toutes les bactéries présentes au sein du système canalaire. Alors si des bactéries persistent et que la dichotomie infection/inflammation est vraie, pourquoi certaines lésions ne peuvent pas guérir ? Et bien c’est là qu’intervient la notion de seuil et que cette notion de seuil prend tout son sens.
D’après Siqueira, il existerait une valeur seuil en dessous de laquelle la virulence bactérienne persistante est insuffisante pour déclencher une réaction osseuse inflammatoire. Connaît-on la valeur de ce seuil, le nombre de bactéries qui la constituent ?
Et bien non. Tout simplement car ce seuil n’est pas une valeur métrique, ni même une constante biologique quantifiable. Ce seuil n’est pas quantifiable tout simplement car il dépend d’une part du nombre de bactéries, voire de la virulence de la flore, et d’autre part de la défense de l’hôte et donc du patient. N’avez-vous jamais vu une radiographie panoramique avec des traitements canalaires manifestement inadéquats mais avec aucune dent qui ne présente de lésions ? Qui n’a jamais eu un échec thérapeutique suite à un traitement où toutes les conditions techniques sont remplies, jusqu’à l’utilisation de la digue ?
Cette notion de seuil varie donc en fonction de ces deux facteurs :
• En premier, on peut ainsi imaginer qu’un canal présentant la même quantité de bactéries pourra déclencher une réaction inflammatoire chez un patient, mais pas chez un autre avec l’impossibilité d’anticiper la réaction immunitaire du patient et de prévenir avec précision son taux de succès ou d’échec.
• La deuxième chose est que la réponse de l’hôte peut varier ou va varier dans le temps. Une altération de l’état général ou même le seuil vieillissement sont des états physiopathologiques qui altèrent entre autres les réactions immunitaires.
Une dent ne présentant pas de lésion ou de manifestation clinique à un instant T pourrait devenir problématique chez le même patient et sans modification de la situation bucco-dentaire quelques années plus tard, en présence d’une déficience immunitaire même minime. Alors sur une dent qui présente une lésion, si l’on parvient à faire passer la charge bactérienne en dessous du seuil avec un traitement, alors celle-ci est remise dans un contexte biologique favorable et la cicatrisation osseuse peut s’opérer.
En revanche, si les procédures de désinfection ne permettent pas de descendre en dessous de ce seuil alors la lésion apparaîtra ou voir persistera. C’est ce qui peut survenir notamment dans le cas où la perméabilité canalaire n’a pas pu être obtenue, et la désinfection donc impossible à mener jusqu’à la partie apicale. Cette conception des choses permet d’expliquer certaines autres situations cliniques frustrantes et parfois inexpliquées. Cette explication ne doit pas nous faire perdre confiance dans l’intérêt de l’endodontie et des possibilités de conservation qu’elle offre.
Les évolutions techniques, voire technologiques, nous aident à faire encore et toujours mieux, il est cependant un peu frustrant de se dire que pour le moment la perfection est impossible à obtenir. Mais heureusement Dame Nature est là à nos côtés, et nous réserve très souvent de très belles surprises ! Merci à elle !
À très bientôt !
#Les Réponses d’Experts
Nos formations en endodontie e-learning sont 100% prises en charge par le DPC
< Précédent
Suivant >
ENDO-ACADÉMIE
2 octobre 2024
#100 – Qu’est ce que le Dual Rinse et comment l’utiliser
4 septembre 2024
#99 – La reconstitution pré-endodontique sur dent délabrée
4 juin 2024
#98 : Faut-il prémédiquer nos patients pour améliorer nos anesthésies ?