#81 – L’usage unique de l’instrumentation en endodontie devient-il une nécessité ?

« Combien de fois peut-on utiliser et stériliser un instrument endodontique sans prendre de risque de le fracturer ? »
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Voilà une question qui est systématiquement posée dans les formations. Les réponses sont souvent dignes d’un normand car il est difficile de prendre position, même si, vous allez le voir, elle est officiellement prise par la législation.

C’est ce point crucial et épineux que je vous propose d’aborder pour cette nouvelle réponse d’expert, d’Endo Académie, organisme de formation en Endodontie. Si vous cherchez un programme permettant de valider votre obligation triennale de DPC pour chirurgiens-dentistes, contactez-nous !

Connaissez vous ce symbole ?

Et bien si vous regardez vos plaquettes d’instruments endodontique, ou même quelques fraises, vous le retrouverez très probablement au dos, au milieu de tout un tas d’autres pictogrammes. Ce pictogramme vous indique que votre instrument ne doit pas être re stérilisé après usage.

Des instruments à usage unique pour une raison mal connue

Lorsqu’il est livré dans son blister, l’instrument est déjà stérile. Techniquement, il peut être placé dans un autoclave à 134°C sans qu’il ne fonde. Le problème n’est pas là. Alors, pourquoi interdire de le faire. Il y a deux réponses à cela.

La première concerne la technologie et la mécanique de l’instrument. Lorsque l’on regarde un instrument à fort grandissement, avant et après son utilisation, les lames perdent de leur affûtage. Exactement comme des curettes de parodontologie. Après leur utilisation répétée sur des tissus durs, le métal s’use, et les lames perdent de leur efficacité.

D’ailleurs, nous viendrait il à l’idée de stériliser une lame de bistouri que l’on a déjà utilisé ? Non. Et pourtant, techniquement, rien ne s’y oppose. Malgré tout, ces instruments restent efficaces, mais il reste aussi le doute de leur fragilisation par le multi usage et l’inconnue de l’évolution intrinsèque de l’alliage par l’accumulation de contraintes qui le fragilise et le rendent plus susceptible à la fracture. Mais en fait la vraie raison n’est pas là.

La vraie raison se trouve dans une publication de Ove Peters au milieu des années 2000, où il s’est intéressé sur la capacité que l’on a à nettoyer et stériliser correctement ces instruments entre deux patients. Les instruments étant livrés stériles, le problème ne se situe pas à leur première utilisation. Le vrai risque est ce que l’on appelle la contamination croisée, entre le patient que l’on soigne le lundi et celui que l’on va traiter le mardi après avoir nettoyé et stérilisé les instruments.

Dans son étude, Ove PETERS a contaminé des instruments d’endodontie avec du Prion de souris. (au passage, rappelons que la virulence de ce prion murin n’a absolument rien à voir avec son cousin de chez le bovin)
Il a ensuite fait suivre à ces instruments un cycle conventionnel et attentionné de désinfection, nettoyage et stérilisation des instruments.

A l’issue, il a observé ces instruments et … bingo, il y découvre de très nombreux résidus de débris potentiellement contaminés sur ces instruments.

Ce papier publié en 2007 tombe en pleine nouvelle crise de langue bleue du mouton en grande Bretagne qui rappelons le, avait connu une très forte épidémie de vache folle et de maladie humaine de Creutzfeldt Jakob quelques années auparavant.

Crise sanitaire mal gérée par le gouvernement britannique et qui avait plongé la classe politique européenne dans un très grand tourment, la France comprise. Face à cette nouvelle crise, le gouvernement britannique impose l’usage unique pour tous les instruments médicaux contondants et pénétrants. Les instruments endodontiques sont les premiers concernés. Les industriels sont alors contraints d’apposer ce pictogramme interdisant la multiple utilisation.
Force est de constater que malgré cette indication, peu de cabinets respectent cette règle. Et la raison financière en est une première justification et entre nous, elle est tout à fait compréhensible. Cependant, elle ne nous affranchit pas, nous cliniciens, des risques encourus. Le prix des instruments mais également l’impact écologique en cette période où le Greenwashing bat son plein, est une véritable préoccupation pour nos cabinets dentaires. Une fois de plus les risques encourus sont reportés sur nos structures avec une réelle difficulté à les gérer.

Les instruments d’endodontie, mais aussi les fraises !

Mais si on pousse plus loin la réflexion, on se rend compte que les instruments intra canalaires, manuels ou mécanisés sont loin d’être les seuls concernés.
– Quid des forets d’implantologie, par exemple.
– Quid des forets intra canalaires tels que les forets de Gates ou Largos.
– Mais également, QUID des fraises ?

Car s’il est difficile voire impossible d’après Ove PETERS de nettoyer un instrument multi lames, qu’en est il des fraises en carbure de tungstène ? Mais également des fraises diamantées ?

N’avez-vous jamais remarqué si vous travaillez avec des loupes ou a fortiori un microscope à quel point les parties travaillantes de fraises sont remplies de débris ? Et pourtant, elles restent efficaces… En endodontie, ces fraises sont en contact avec des tissus biologiques contaminés ou non, mais également avec la pulpe qui est un tissu conjonctif vascularisé. Quelle responsabilité avons-nous là sur les épaules !

Alors, comment faire ?

Pour les instruments d’endodontie, la réduction des instruments d’une même séquence voire l’utilisation d’une séquence mono instrumentale rendue possible avec la réciprocité permet de limiter le coût de l’opération.
L’apparition régulière de nouveaux instruments sur le marché de l’endodontie et la compétition commerciale qui apparaît suite à la levée des brevets, a pour effet immédiat de réduire les prix de vente – à nous de nous en réjouir !

Pour les fraises, certains fabricants s’orientent également vers l’usage unique. Plusieurs industriels nous propose des fraises à usage unique, emballés sous blister stériles avec une gamme très large, et ils proposent des instruments multi lames et diamantés.

Le coût de ces instruments est tout à fait compatible avec l’usage unique. Pour les utiliser régulièrement, l’efficacité de ces fraises n’a rien à envier à leurs concurrentes. Au sein de notre cabinet, nous sommes en « usage unique » pour les instruments intra canalaires depuis 2007.

La réflexion nous a conduit à étendre cet usage unique avec les fraises mono utilisation depuis quelques mois.
Est-ce que cela augmente notre coût de consommables ? Pour les instruments intra canalaires, oui, si on le compare à un multi usage.

Pour les fraises en revanche, la réduction du coût à l’achat à l’unité de ces fraises n’impacte aucunement (voir très faiblement) le budget pour un traitement. Il reste maintenant à gérer ou au moins réfléchir à l’impact écologique que cela applique. Cependant, rien ne pourrait justifier la prise d’un risque sanitaire dans nos cabinets.

En conclusion 🦷

En conclusion, est ce que nous devons passer à l’usage unique pour ces produits ? La question ne se pose même plus à partir du moment où la réglementation nous interdit de stériliser ces instruments entre deux patients.
Pour les fraises nous avons encore le choix.

Moi, j’ai fait le mien

A très bientôt ! 👋🏻

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