#83 – Les nouveaux alliages

Depuis quelques années, on entend parler des nouveaux alliages. Plus souples, plus résistants, plus tout, mieux en tout. Mais que sait-on d’ eux exactement ? En quoi sont-ils différents de ceux que nous avons utilisés jusqu’à maintenant ? Représentent-ils vraiment une innovation ? Ou s’agit-il d’un simple coup marketing ?

C’est ce sujet que je vous propose d’aborder pour cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie.

Choisir son système de mise en forme aujourd’hui peut sembler complexe… Quand on a connu l’endodontie d’avant la rotation continue, on peut se dire que l’on a maintenant des problèmes de riches.

L’histoire de l’instrumentation en endodontie

L’histoire de l’instrumentation en endodontie c’est quelque chose. Pour ma part, j’ai eu la chance énorme de faire mes premiers pas en exercice libéral au moment où la rotation continue a fait son apparition en 1996. J’aurais finalement connu très peu la galère.

La rotation continue a vu le jour en 1996, mais est finalement l’aboutissement d’une longue réflexion. Tout a commencé en 1985 avec la publication de Jim Roanne sur la thématique des forces équilibrées.
Dans sa publication du journal of endodontics, son équipe a démontré que pour rester centré dans un canal, il est impératif d’animer l’instrument d’un mouvement de rotation.

L’instrumentation rigide en acier de l’époque ne permettait pas d’utiliser ces limes en rotation continue, et il propose d’une part de modifier la section des instruments, et d’autre part, il décrit un mouvement d’utilisation proche de celui de
la réciprocité (tout en étant en fait l’opposé parfait).

Trois ans plus tard, c’est Walia et son équipe qui viennent secouer le milieu.
Pour la première fois, ils décrivent l’intérêt d’utiliser l’alliage Nitinol pour fabriquer des instruments endodontiques. Cet alliage permet d’obtenir des limes souples, flexibles tout en restant résistantes. On parle à ce
moment là de limes K de diamètre 35 – 40/100.

La suite de l’histoire, reste floue. Beaucoup s’approprient l’invention de ce qui allait devenir la rotation continue. L’histoire la plus sexy étant celle de Ben Johnson, inventeur du Profile qui explique à l’époque que son idée lui est venue de l’utilisation de bas de ligne en Nickel Titane pour pêcher le gros poisson.

En 1996, à l’ADF, sont présentés trois systèmes :

  • Le profile en conicité 4 et 6% par mailelfer qui deviendra Dentplsy puis Dentsply Sirona
  • Le hero 6 4 2 par la société française Micro Mega
  • Le Quantec distribué en France par une société bretonne, la société TYCOM

Les systèmes sont très différents entre eux, ils sont accueillis avec une très grande précaution. Pour ne pas dire rejetés par les professionnels. Trop chers, trop dangereux, pas assez de reculs cliniques. Pourtant, une révolution est engagée. Les formations pratiques se multiplient et atteignent des salles de plus de 100 participants.

Il y a à ce moment trois freins majeurs

  • Le premier est le prix des instruments
  • Le second est la nécessité d’investir dans un moteur, et surtout d’accepter de revoir complètement les principes acquis lors de la formation et de l’expérience
  • Le troisième sont les endodontistes eux mêmes. Frileux à l’idée d’être chamboulés, ou inquiet de perdre leur job ? Peu importe car très vite ils vont devenir les meilleurs ambassadeurs de la chose.

Guerres de brevets, de design d’instruments …

L’histoire va se poursuivre avec des guerres de brevets, de design d’instruments, de pointes actives, inactives ou semi actives. Tout est fait pour jongler entre la diminution de la masse centrale de l’instrument pour gagner en flexibilité, tout en ne l’amenuisant pas trop pour éviter de le fragiliser.

C’est alors qu’une seconde guerre des industriels s’engage. Les limites du design étant atteintes, ils se sont attaqués aux alliages.

Le M wire, le T wire, et d’autres. font leur apparitions. Les publications se multiplient et montrent que l’on gagne un peu par ci par là, mais la marge de progression n’est pas énorme.
C’est plus tard que vont apparaître les traitements thermiques post fabrication des instruments.

A la sortie des meuleuses, les instruments subissent des protocoles d’augmentation et de baisse de températures dans des enceintes dédiées associées à des variations de pression.

Ces traitements impliquent à l’alliage une modification interne de la structure, lui conférant d’une part des modifications de leurs propriétés mécaniques, et d’autre part un changement de la couleur.
Doré, bleu, rose… Il s’agit finalement toujours d’un même alliage mais qui a subi des traitements différents.
Il n’est donc pas tout à fait correct de parler de plusieurs alliages différents, puisque intrinsèquement, ce sont les mêmes.

Les premiers alliages modifiés

Sont apparus alors il y a 4 ou 5 ans, les premiers alliages modifiés. C’est la société Coltène avec l’Hyflex qui a lancé le bal, en tout cas en Europe. L’instrument est très souple, avec une tendance à la déspiralisation parait-il. Très peu de temps après, sont apparus les alliages Gold (ou doré) puis les Blues. Les instruments deviennent alors à la fois plus souples, mais surtout ils présentent une déformation plastique que l’on ne connaissait pas. Chaque industriel a donc très vite proposé ses systèmes en alliage modifié thermiquement.

Plus récemment, la société ZARC a proposé de multiplier les traitements thermiques des instruments d’un même système. Considérant que les propriétés attendues d’un instrument sont différentes en fonction de son moment d’utilisation, ils ont décidé d’adapter la souplesse de l’alliage à la place de l’instrument dans le protocole.

SlimShaper en 3 instruments

La séquence du système SlimShaper par exemple est composé de trois instruments. Au-delà des différences de design on remarquera surtout que le premier est en Gold, le second en Pink et le troisième en Blue. Le choix n’est pas anodin.

  • Le passage du premier instrument correspond à un glide path,
  • Le second est utilisé pour donner du corps à la préparation dans le tiers moyen.
  • Pour le troisième, le choix de la flexibilité a été fait avec un alliage Blue pour négocier la partie apicale qui est en générale la plus courbée.

Cette tendance va probablement se généraliser au sein des concurrents. Mais il est intéressant de comprendre que en jouant sur la souplesse des instruments en jouant sur les propriétés de l’alliage, la compensation notamment au niveau du gain de résistance à la fracture peut se faire sur le choix du design.

Une nouvelle étape après un nouveau concept

A chaque fois qu’un nouveau concept fait son apparition, on comprend qu’une nouvelle étape à venir est déjà en marche.

Mais où se trouvera la prochaine évolution ? Peut être dans le brevet de la société Micro Mega qui pourrait proposer un alliage intelligent qui se met à crier avant de se fracturer… Qui sait !?

#Les Réponses d’Experts

DÉCOUVREZ NOS FORMATIONS >>

Nos formations en endodontie e-learning sont 100% prises en charge par le DPC

< Précédent

EP 79 – DR ALI SALEHI, DENTISTE ET ÉTUDIANT NEW YORKAIS

Suivant >

EP 80 – DR PAULINE PAGBE, PARODONTISTE ET ENTREPRENEUSE

ENDO-ACADÉMIE

Nos autres réponses d’expert

7 janvier 2025

#103 - Les nouvelles recommandations S3 : La désinfection

#103 – Les nouvelles recommandations S3 : La désinfection

Comme nous l’avons indiqué dans la précédente édition, nous avons décidé de consacrer une série de trois réponses aux publications des S3 Guidelines de l’ESE. Aujourd’hui, nous abordons la question de la désinfection : l’utilisation d’instruments complémentaires pour optimiser la désinfection est-elle scientifiquement validée ?

5 janvier 2025

#102 – Les nouvelles recommandations S3 : L’instrumentation

Si vous vous intéressez à l'endodontie, vous n'êtes pas sans savoir que la société européenne d’endodontie a récemment, en 2023, publié des nouvelles recommandations.

10 novembre 2024

#101 - Doit on réduire la taille de nos cavités d’accès

#101 – Doit on réduire la taille de nos cavités d’accès

On parle beaucoup de préservation tissulaire depuis des années. En effet, les études ont montré que le facteur principal d’échec en endodontie est le facteur mécanique et non le facteur biologique.