Le sujet des biocéramiques est dorénavant omniprésent dans toutes les formations en endodontie.
Encore considérées comme non appropriées il y a un ou deux ans, elles commencent à s’imposer pour l’obturation canalaire. Pour autant, l’utilisation des biocéramiques va bien au delà de la seule obturation canalaire.
Dans cette nouvelle réponse d’expert, je vous propose d’aborder ce sujet, vieux de plus de 10 ans, mais qui commence à devenir “moderne”
Depuis quelques mois, les biocéramiques commencent à être présentées comme une nouvelle révolution de l’endodontie.
Par leur côté disruptif, ces matériaux suivent le triptyque de l’innovation décrite par Arthur Schopenhauer : “Toute vérité franchit trois étapes.
Bien qu’il soit encore un peu trop tôt pour considérer que l’utilisation d’une biocéramique en endodontie relève de la vérité, leur intérêt commence à s’imposer de façon plus marquée.
Une des raisons de la méfiance des endodontistes pour cette famille de matériaux est qu’elle est souvent restreinte à une utilisation intra canalaire dans leur version fluide.
On oublie pourtant que les premières biocéramiques ont été mises sur le marché dentaire il y a presque 30 ans avec le Mineral Trioxyde Aggregate.
Vite reconnu comme une émanation du ciment de Portland modifié par adjonction d’une radio-opacifiant et vendu à un prix relevant de l’indécence, le MTA a lui aussi défrayé la chronique (endodontique) au moment de sa mise sur le marché.
Accusé de tous les maux jusqu’à semer le doute sur la présence d’Arsenic dans sa composition, il faudra attendre les 20 ans de la validité du brevet pour voir fleurir sur le marché de nombreuses formes galéniques du produit. Ce produit “dangereux” est devenu le matériau innovant miracle pour la plupart des distributeurs de produits dentaires.
En parallèle s’est développée depuis dix ans une gamme de nouveaux matériaux qui sont venus compléter cette famille de biomatériaux : les silicates de calcium.
La différence majeure entre le MTA et ces produits émergents n’est autre que leur origine. Le MTA qui est un ciment de Portland épuré auquel est ajouté un radio-opcifiant est un produit naturel, extrait du sol. Sa composition peut donc varier d’un site de prélèvement à un autre.
Les silicates de calcium quant à eux sont des matériaux synthétiques, c’est-à-dire fabriqués à la demande à partir de composants natifs.
La société Septodont s’est particulièrement illustrée en proposant en 2012 la Biodentine ® première biocéramique destinée à l’obturation coronaire, composée de silicate tricalcique pure. Grâce à son adhérence biologique naturelle, le problème de l’interface d’adhésion entre un tissu biologique et une matrice résineuse est alors supprimé.
Un des points faibles de la Biodentine est son manque de résistance à l’abrasion mécanique en milieu humide (un comble pour un matériau destiné à être utilisé dans
la cavité buccale). C’est pour cette raison que de “matériau d’obturation coronaire “ (sa destinée initiale) il est passé à “substitut dentinaire” Nous rappelant ainsi la nécessité de le recouvrir d’un matériau d’obturation coronaire résistant.
Alors que Septodont s’intéressait aux restaurations coronaires, une société américaine s’intéressait quant à elle à l’obturation canalaire.
En proposant le BioCeramic Sealer (BC Sealer ®), la société Brasseler bousculait le principe de l’obturation canalaire qui jusque – là, était sacralisé par la compaction verticale de Gutta chaude – la fameuse “technique de Schilder”.
Avec ces produits qui sont un mélange de Silicate di-calcique et tri-calcique, l’objectif est de remplir le canal par injection d’un produit fluide et d’y insérer un cône de gutta en son sein pour jouer un rôle de tuteur et une solution pour une éventuelle désobturation.
Partis du principe que si les silicates tricalciques sont capables d’obturer une cavité coronaire, et qu’il n’y avait pas de raison qu’elle ne puisse pas le faire dans une cavité radiculaire, Septodont commercialise dès 2015 un matériau fluide destiné à l’obturation canalaire, le Bio-Root RCS ®.
La mutation idéologique est un moment intéressant dans l’histoire de l’endodontie. Techniquement, l’obturation canalaire devient simplifiée et la technique s’apparente à celle du mono cône. C’est d’ailleurs ce qui est reproché à ces matériaux… d’être trop simples à utiliser. En endodontie, la simplicité ou la simplification sont souvent présentées comme une tendance vers le compromis ou un nivellement par le bas.
Pourtant, si la technique est très ressemblante, les concepts restent différents. Dans le cas d’utilisation des biocéramiques, le produit n’est pas utilisé pour sceller le ou les cônes de gutta percha, mais il est considéré comme le matériau d’obturation lui-même. Le cône de gutta inséré dans le produit n’est pas considéré comme le matériau d’obturation. Il est utilisé avec deux objectifs :
Dans cette discipline très conservatrice qu’est l’endodontie, ces matériaux peinent à faire leur preuve et trouver leur place, sans être relégués aux produits “de compromis”.
Sur le plan clinique, quelques études confortent l’intérêt de leurs utilisations, bien qu’elles soient encore trop peu nombreuses et de faible puissance.
Il est encore impossible de le démontrer. Tout comme il a été très difficile voire impossible de démontrer finalement la supériorité en termes de résultats cliniques de la technique de gutta chaude lorsqu’elle est comparée à la condensation latérale à froid. Pourtant, qui remettrait en cause aujourd’hui l’intérêt de la gutta chaude ?
Comme l’instrumentation mécanisée en 1996, ou la réciprocité en 2011, les Biocéramiques sont entrés dans la seconde phase de Schopenhauer, celle de l’opposition… Souhaitons leur d’aller au bout du cycle, celui de l’évidence… les deux autres y sont bien arrivés, pourquoi pas elles ?
Et n’oublions pas que les biocéramiques ne sont pas uniquement utilisées pour l’obturation canalaire. En version “putty”, prête à l’emploi ou à mélanger, elles se sont imposées quant à elles depuis longtemps comme les matériaux de choix pour le coiffage pulpaire, la pulpotomie camérale, le traitement des perforations, l’obturation à retro en chirurgie endodontique ou encore l’apexification.
Vivement le moment où les détracteurs d’aujourd’hui se présenteront comme les inventeurs de ces matériaux… le triptyque de Arthur Schopenhauer aura alors atteint la fin de son cycle !
À très bientôt
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