Si vous suivez un peu l’actualité endodontique, vous avez certainement remarqué que les principes de mise en forme semblent évoluer. Évoluer vers moins de conicité et un élargissement de la préparation apicale.
Pourquoi cette évolution ? Qu’est ce qui a changé ?
C’est la question que je vous propose d’aborder dans cette nouvelle réponse d’expert.
Depuis le papier de Schilder en 1974, toute l’endodontie a tourné autour du concept de la mise en forme conique régulière.
Dans les années 80, même si ce papier et son auteur faisaient largement jurisprudence, une autre école, scandinave, défendait une théorie totalement différente. Pour eux, le canal devait être très élargi dans sa partie apicale et la conicité n’était pas un sujet. L’objectif à atteindre est de pouvoir placer une aiguille dans le tiers apical du canal.
Dans cette approche, le dernier millimètre du canal ne doit pas être instrumenté, et donc, de facto, ne peut pas être désinfecté. C’est la raison pour laquelle les adeptes de cette technique doivent utiliser une médication à l’hydroxyde de calcium pendant plusieurs mois. Médication qui, par diffusion, permettra de désinfecter la partie du canal qui n’a pas été travaillée.
Ces deux objectifs à atteindre, nécessitent donc un élargissement important du canal sur toute sa hauteur avec un diamètre apical pouvant atteindre 60 ou 80/100 et une conicité très faible.
C’est d’ailleurs pour cette raison que ces canaux ainsi mis en forme sont obturés en condensation latérale à froid et non pas en compaction verticale de gutta chaude.
Bien que très différentes conceptuellement, les deux techniques ont un point commun.
Pour toutes les deux, les objectifs de mise en forme sont dictés soit par les impératifs d’obturation (conicité et compaction verticale à chaud) ou pour des impératifs de désinfection (nécessité de descendre une aiguille dans le dernier millimètre du canal).
Schilder le précisait d’ailleurs très bien dans sa publication de 1974, la mise en forme doit répondre aux critères imposés pour l’obturation.
Jusqu’à très récemment, les concepts de l’école américaine semblent s’être beaucoup imposés et la preuve en est, la très grande majorité des systèmes de mise en forme proposés par les industriels répondent à ces objectifs de conicité (foramen maintenu à 20 ou 25/100 et une conicité minimale de 6%).
Pourtant, depuis quelque temps, on voit surgir sur le marché de la mise en forme des instruments qui ne proposent plus des fortes conicités.
Il n’est pas rare par exemple de trouver des systèmes dont la mise en forme finale obtenue présente un diamètre apical de 30/100 et une conicité de 4%.
Tout simplement parce qu’en parallèle des instruments, la technologie dans le domaine de la désinfection et de l’obturation a elle aussi évoluée.
Alors, si l’on n’a plus besoin d’une forte conicité pour bien désinfecter un canal ni pour bien l’obturer. Pourquoi continuer à mettre en œuvre ces concepts qui ont malgré tout un inconvénient majeur, celui de fragiliser la dent dans sa zone de plus faible résistance, à savoir la jonction corono-radiculaire.
En effet, à conicité constante, la zone la plus fragilisée par la procédure de mise en œuvre est l’entrée du canal. En minimisant la conicité, on diminue l’élargissement du canal à son entrée.
L’apparition des lasers, les activateurs sonores, et ultrasonores, et plus récemment des canules coniques à ouverture latérales fabriquées par le société Suisse produits Dentaires, (les Irriflex), a permis de mieux faire circuler la solution d’irrigation dans le canal. En la faisant circuler, notamment avec un embout de conicité 4%, et en créant un flux et un reflux dans le canal tout en renouvelant la solution, la désinfection canalaire est très largement améliorée.
Diminuer la conicité de la mise en forme compliquée, voire même interdire l’utilisation de la technique de compaction verticale à chaud.
Néanmoins, les système à tuteurs tels que la gutta core, ou d’injection de biocéramiques directement dans le canal, sont des techniques qui ont largement fait leur preuve quant à leur efficacité, et qui sont dorénavant considérées comme des techniques remplissant les objectifs.
Par ces exemples, on comprend que l’obtention d’une conicité minimale de 6% n’est plus un but en soi et surtout, n’est peut-être plus totalement nécessaire.
L’endodontie suivant le mouvement de la dentisterie a minima et de l’ultra conservation des tissus dentaires, diminuer la conicité du canal préparé prend alors tout son sens.
Si les concepts semblent logiques, il reste maintenant à les valider avec des études Ad Hoc, pour certifier que les résultats confirment les hypothèses.
Si tant est que l’on puisse considérer qu’au moins une étude ait démontré un jour que l’obtention d’une mise en forme conique avec un foramen étroit permet d’avoir de meilleurs résultats qu’une autre approche.
A très bientôt.
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