#86 – Comment choisir son hypochlorite de sodium ?

Vous êtes plutôt 2 ou 6 % ? Pourquoi certains fabricants proposent des solutions enrichies ? Les solutions pharmaceutiques sont-elles vraiment nécessaires ou peut-on se suffire de produits ménagers ?

Ces questions, vous vous les posez probablement régulièrement. je vous propose donc d’y répondre dans cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie.

L’hypochlorite de sodium, une solution de choix en endodontie

Savez vous pourquoi l’hypochlorite de sodium est et reste la solution de désinfection de choix en endodontie ? Pour le comprendre il faut se remémorer ce que l’on attend d’une solution de désinfection canalaire. La première chose est que la solution ne doit pas être dangereuse. Elle est utilisée en bouche, et même si l’on utilise le champ opératoire, le risque de fuite vers la cavité buccale n’est pas nul. Sur le plan clinique, la solution idéale doit avoir deux propriétés essentielles :
  • Être désinfectante, c’est à dire tuer les bactéries et les virus et avoir un pouvoir solvant. Par solvant on entend un pouvoir de dissolution des matières organiques que l’on peut retrouver dans un canal – tels que les résidus pulpaires ou encore les tissus nécrotiques.
  • Si l’on devait ajouter une troisième propriété, ce serait un pouvoir de dissolution des matières minérales. En effet, la dent est composée à la fois de matières organiques mais également d’une grande partie de tissu minéraux. L’amalgame des deux constituant une couche particulière, la boue dentinaire.

L’irrigation endodontique devrait donc idéalement éliminer tous les tissus qui ont été mis en suspension, mais également ceux qui ont été plaqués sur les parois du canal. En fait, cette solution idéale n’existe pas en tant que telle. Il n’y a aucune solution qui permette de dissoudre à la fois du tissu organique et des matières minérales et qui soit désinfectante.

L’hypochlorite de sodium est une solution qui comporte deux propriétés sur trois. Et en plus, elle a un autre avantage, celui d’être financièrement très abordable.

Le résultat de l’hypochlorite de sodium en solution

L’hypochlorite de sodium en solution va se dissocier en acide hypochloreux, qui, très vite, va libérer des ions Hypochlorite OCl-.

Cette dissociation est à sens unique. C’est à dire que lorsqu’une molécule se dissocie, elle est utilisée et n’est pas remplacée. Injectée dans un milieu très infecté, la solution va très vite devenir inopérante puisqu’elle sera consommée pour éliminer les micro-organismes avec lesquels elle est en contact.

Que faut-il faire face à cette inefficacité ?

Pour palier à cette inefficacité qui survient finalement assez rapidement, la solution est double :

  • Soit il suffit d’augmenter la concentration
  • Soit il faut renouveler en permanence la solution

Dans le premier cas, à volume égale, la solution possède plus de produits actifs. Ainsi, on aura deux fois plus de principe actif dans une solution de 5% que dans une solution à 2.5%, à volume équivalent.

Dans le second cas, celui du renouvellement, le fait de remplacer en permanence la solution d’irrigation par un rinçage continu répété au sein du canal, permet d’avoir en permanence de la substance active au sein du canal en cours de traitement.

A ma connaissance, il n’y a aucune étude qui a permis de quantifier la quantité d’acide hypochloreux qui est nécessaire pour désinfecter un canal. Si une telle étude existait, nous aurions alors les données nécessaires pour discuter de l’intérêt de telle concentration par rapport à une autre, ou encore de définir le volume idéal ou nécessaire pour désinfecter un canal.

Comme pour beaucoup de choses, certains praticiens vanteront les avantages d’une solution plus concentrée, tandis que d’autres affirment qu’une faible concentration mais avec un gros volume de renouvellement fait le même travail.

Ce que l’école scandinave préconise

Dans les courants de pensée, l’école scandinave préconise l’utilisation d’une solution faible. Leur argument principal est qu’une solution à faible concentration est active, mais non toxique. Ce point prend du sens dans la mesure où nous travaillons en bouche ! L’inconvénient d’une concentration faible est qu’en dessous de 1%, la solution perd son action solvante. Pourtant nécessaire. C’est la raison pour laquelle le fameux DAKIN Cooper souvent utilisé en odontologie, n’est pas une solution adaptée à notre exercice. Certes la solution est désinfectante, mais elle n’est pas solvante.

L’école américaine

Pour l’école américaine, au contraire, il est conseillé d’augmenter la concentration selon le principe qui peut le plus peut le moins.

Sur le marché américain, on trouve aujourd’hui des solutions concentrées à 8%. Au-delà de l’effet toxique augmenté, la forte concentration peut également avoir des effets nocifs sur la dentine. Les données accessibles sur le sujet restent
relativement faibles.


Entre 1.5% et 8%, la moyenne se trouve vers 3 % c’est la raison pour laquelle cette concentration de 3% est souvent présentée comme la concentration idéale. En fait, vous pouvez choisir la concentration de votre choix. Charge à vous de
compenser une faible concentration avec une augmentation de volume.

L’hypochlorite “enrichie”

Vous pourrez retrouver également dans certains catalogues des versions d’hypochlorite dites “enrichies”. Mais enrichie en quoi ?

Afin d’obtenir une meilleure “mouillabilité” des surfaces dentinaires, la solution peut être enrichie avec un ammonium quaternaire. Le plus connu étant le Tween, qui est une forme de savon. Mais la plupart du temps, la nature de cet enrichissement est tenu secret…

A-t-il un effet sur la qualité de la désinfection du canal ? Il est très difficile de le prouver. Mais encore une fois qui peut le plus peut le moins.

Les solutions pharmaceutiques

Enfin, les solutions dites pharmaceutiques présentent-elles un réel avantage par rapport aux produits ménagers ?
Sur le plan de l’efficacité, probablement pas. En revanche, les solutions destinées à l’usage dentaire présentent une pureté de fabrication bien plus importante. Ces solutions sont également tamponnées et présentent donc un pH proche de celui de la physiologie. Ce qui, reconnaissons- le, est un point important.

Ces produits sont fabriqués pour une destination médicale, contrairement aux produits ménagers. Ils ont donc une traçabilité, et au-delà de la responsabilité qui nous revient, il me semble quand même judicieux et important d’utiliser des produits destinés à un usage médical chez nos patients pour les protéger.

En conclusion, vous aurez compris qu’encore une fois, il n’y a pas de règle absolue. Personnellement, après avoir utilisé des solutions très concentrées à 5% pendant des années, je suis revenu à solution à concentration plus faible, 2% enrichie d’un surfactant. mais cela reste mon choix, et en aucun cas une recommandation consensuelle.

A très bientôt.

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