#87 – Vous êtes plutôt puff ou pas puff ?

Pour ou contre le puff ?

Le puff, c’est le fameux truc en endodontie qui continue à alimenter les discussions “pour ou contre”.
Présenté par certains comme une erreur iatrogène, il est au contraire présenté par d’autres comme le graal à atteindre pour la technique parfaite d’obturation.

Mais en fait, de quoi parle-t-on exactement ? et pourquoi ce fameux puff pourrait- il ne jamais mettre tout le monde d’accord ?
C’est le sujet que je vous propose d’aborder pour cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie.
Avant de discuter du pour ou du contre, voyons déjà de quoi l’on parle lorsque l’on parle de Puff.
Sur cette image, on a trois situations qui se ressemblent mais qui en fait sont très différentes.

Puff

Surobturation

Faute professionnelle

Sur l’image de gauche, on remarque des petits dépassements de ciments qui semblent provenir de multiples canaux latéraux apicaux dans lesquels le ciment se serait faufilé. C’est ce que l’on appelle des Puffs.


Sur l’image du milieu, la protrusion de matériau dans le périapex n’est pas beaucoup plus importante finalement. Pourtant, il ne s’agit plus d’un puff mais d’un dépassement de matériau et d’une sursaturation.


Enfin, sur l’image de droite, le commentaire n’est pas nécessaire. On aura tous compris que cela n’est pas normal. Pourtant ces trois situations sont souvent présentées comme identiques et ce n’est pas normal en fait !
Sur cette nouvelle image, on remarque la présence certes d’un canal latéral, mais également de deux petits puffs.

ça... c'est un puff !

(enfin 2 puffs)

Ces petites extrusion de ciment de scellement sont le résultat d’une fusée du matériau d’obturation dans les moindres recoins sous l’effet de la pression créée lors de l’obturation en compaction verticale de gutta chaude.

L’objectif de l’obturation en compaction verticale de gutta chaude

En effet, dans cette technique, l’objectif est de pousser dans les moindres recoins, même les plus inaccessibles, le matériau d’obturation dont la plasticité est modifiée par l’apport de chaleur et d’une force hydraulique verticale.
A partir du moment où le canal a été bien nettoyé et désinfecté, et bien tout ce qui est perméable va être rempli par les matériaux et ciments d’obturation. Il n y’ a pas besoin d’être un professionnel de la technique pour comprendre que sous l’effet de cette pression, la protrusion du ciment est difficilement contrôlable, et la réalisation de petits puffs est inévitable.

Une fois de plus, on en revient à la distinction entre les deux écoles de pensée de l’endodontie.

 

L’école scandinave

Pour l’école scandinave, l’obsession consiste à préserver les tissus péri apicaux de toute forme d’agression. Ainsi, la mise en forme reste à distance, et il est impensable d’imaginer déposer du matériau irritant dans la zone péri apicale.

 

L’école américaine

Pour l’école américaine, quant à elle, l’obsession consiste à considérer le canal comme une entité avec une anatomie très complexe. l’obturation doit concerner le canal principal et les ramifications apicales. La pression de l’obturation est donc nécessaire, quitte a avoir un peu de ciment qui passe au delà de la structure dentaire.

 

C’est la fameuse opposition
des Apical lovers versus les Barabarians.

Apical Lovers

vs

The barbarians

Voyons maintenant, si la présence de ce matériau en faible quantité dans la zone périapicale influence le pronostic. Encore une fois, la littérature va dans le sens de la préservation des tissus péri apicaux.

 

L’étude de Ricucci

Ainsi, Ricucci, dès 1998, montrait que la présence de matériau au delà de la constriction apicale influençait le pronostic d’un traitement. Cette étude venait confirmer les conclusions de Lin en 1992, celle de Halse en 1987 ou encore de Sjogren en 1990. Tous confirment que la présence d’un dépassement de matériau influence le pronostic d’un traitement. On pourrait alors s’arrêter là. Mais en fait, il est intéressant de voir ce que ces auteurs considèrent comme un dépassement. En gros, est ce que le simple “puff” de ciment est considéré comme un dépassement dans leurs études ?

Et bien, en lisant entre les lignes de ces articles, on n’a pas fini d’être surpris. prenons par exemple l’étude de Halse.

 

L’étude de Halse

Dans leur papier de 1987, Halse et Molven ont pris la peine de définir précisément ce qu’ils considéraient comme un dépassement. De façon schématique, ils ont classé ces dépassements en B1, B2, C1 et C2. C2 étant un dépassement de matériau de plus de 2mm. Et bien si l’on reprend ces études, toutes finissent par conclure que le pronostic d’un traitement est affecté par un dépassement de matériau. MAIS … ce dépassement doit faire au moins 2 mm pour être néfaste sur la cicatrisation des tissus péri apicaux.

Pareillement, quand on reprend le papier de Ricucci publié en 1998, et si l’on relit correctement la conclusion, il dit que le pronostic d’un traitement est affecté par la sur-instrumentation et un dépassement de matériau de plus de 2mm au delà de la constriction.

 

Le PUFF, une conséquence technique

En conclusion, le PUFF de ciment est une conséquence technique d’une méthode de traitement. Tout le monde s’accorde finalement à dire que si on peut les éviter, ce serait mieux. Inversement leur présence nous confirment la bonne qualité de l’obturation.Le second point à retenir est que le puff de ciment est différent d’un dépassement iatrogène. En fait, si l’on regarde bien, les barbarians et les Apical Lovers sont d’accord ! Mais surtout ne leur dites pas… ils pourraient arrêter de s’engueuler, et ce serait bien dommage.

A très bientôt !

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