#92 – Comment optimiser sa désinfection en endodontie ?

Avez-vous déjà ressenti ce sentiment très agréable de pouvoir mettre en place un cône de gutta à la longueur de travail, sans forcer ?

Cette mise en place sans difficulté vous fait probablement penser que le canal peut dorénavant être obturé.

Et pourtant… En endodontie, c’est presque à ce moment précis que tout commence !

Pour cette nouvelle réponse d’expert, je vous propose de revenir sur cette phase cruciale et souvent négligée de l’irrigation finale.

La désinfection, l’enjeu majeur en endodontie

La triade endodontique, Mise en forme, désinfection obturation est devenu un standard.


On peut encore discuter de la conicité à choisir, de la concentration de l’hypochlorite de sodium à choisir, mais au final on sait pertinemment que c’est dans cette triade que se trouve la clef du succès.


On parle de plus en plus de l’irrigation en endodontie, à juste titre.


On oublie cependant souvent de dissocier les deux phases de l’irrigation.


La phase dite d’instrumentation, au cours de laquelle la création d’un flux au sein du canal a pour objectif essentiel d’éliminer les copeaux de dentine créés pendant la mise en forme. De la même façon que l’on crée des miettes en coupant du pain, et bien l’on crée des copeaux de dentine en instrumentant un canal.


Le fait d’avoir le canal rempli de solution liquide permet de mettre en suspension la majorité des copeaux et de pouvoir les éliminer du canal au fur et à mesure que l’on répète l’opération. Si le canal reste sec, les copeaux sont alors plaqués sur les parois du canal, et ils sont très difficiles à éliminer.


Pour éliminer ces copeaux, il est conseillé d’irriguer abondamment entre deux passages d’instruments. Environ 1 mL par canal entre chaque passage d’instruments.


Au cours de cette phase, il est probable que la solution d’irrigation participe déjà à la désinfection du canal. Mais en fait, ce n’est pas la finalité.

La phase d’irrigation finale, là où tout se joue

La vraie phase de désinfection va commencer à partir du moment où la mise en forme est terminée.

L’élargissement du canal obtenu grâce à son instrumentation permet de descendre dans le tiers apical la pointe de l’aiguille d’irrigation.

Il a été démontré par Boutsioukis notamment, que lorsque l’on expulse une solution d’irrigation par une aiguille, le flux va rarement au-delà d’un ou deux millimètres. Le fait de pouvoir placer la pointe de l’aiguille le plus profondément possible est indispensable pour procéder à la désinfection du canal principal de la racine au moins.

C’est donc à partir du moment où la mise en forme est terminée et que le cone peut être placé à la bonne longueur, que l’on considère que l’espace est suffisant pour procéder à la désinfection du système canalaire.

C’est à ce stade-là que les choses sérieuses commencent, et le protocole à suivre doit être donc extrêmement rigoureux.
On nous interroge souvent sur le volume ou la durée d’application de la solution pour optimiser la qualité de la désinfection. Il n’y a, à ma connaissance, aucune donnée disponible scientifiquement valable. Certains parleront de 20 minutes, sans que l’on ne sache d’où vient cette valeur, à part peut-être d’une expérience personnelle.

La phase d’irrigation finale doit associer deux solutions :

-Une solution désinfectante l’hypochlorite de sodium reste à ce jour le standard avec une concentration conseillée entre 1.5 et 6%

-Une solution chélatante qui permet de dissoudre notamment la partie minérale de la boue dentinaire (les fameux copeaux) qui s’est déposée sur les parois radiculaires. La plus couramment utilisée ou au moins conseillée est une un solution d’EDTA de sodium concentrée à 17%

A noter que ces deux solutions ne sont pas miscibles, et ont pour particularité de s’annuler mutuellement lorsqu’elles sont mélangées. C’est pour cela que le canal doit être vidé de son contenu avant de le remplir avec la seconde solution

Le protocole que nous conseillons

Pour faire simple, le protocole conseillé d’irrigation finale est le suivant :

-Remplir le canal d’hypochlorite de sodium et l’activer pendant 1minute

-Vider le canal de son contenu

-Le remplir avec une solution d’EDTA, et l’activer pareillement pendant 1 minute

-Vider à nouveau le contenu du canal avant de le remplir à nouveau avec de l’hypochlorite de sodium qui sera à nouveau activé pendant 1mn.

Ce protocole est un peu long et fastidieux, et si l’on considère une molaire à 3 canaux, pour faire simple, un rapide calcul démontre que le processus prendra au minimum 10 minutes. Et c’est long 10 minutes.

Deux solutions en une : L’intérêt du Dual Rinse (MEDCEM)

Les endodontistes étant en permanence en recherche d’efficience et d’efficacité, le problème des deux solutions non miscibles a fait couler beaucoup d’encre.

Il y a 6 ans, le Pr Matthias ZAHNDER a proposé d’utiliser une poudre à base d’HEDP qui est un chélatant naturel qui se dissout très bien dans l’hypochlorite de sodium.

Commercialisée sous le nom de Dual Rinse, cette poudre est mélangée dans la solution de désinfection 10 mn avant le début du traitement.

L’intérêt de cette solution préparée est qu’elle est à la fois désinfectante et Chélatante. Elle permet ainsi d’avoir une action de chélation, et donc de ramollissement de la dentine pendant la phase instrumentale, ce qui n’est pas désagréable.

Pour la phase d’irrigation finale, elle simplifie considérablement le protocole, car il n’est plus nécessaire de vider le canal entre deux injections, puisque la même solution a les deux effets – Désinfection et chélation.

Enfin, pour optimiser l’action de cette ou de ces solutions, il est conseillé d’activer le liquide mis en place.

Comme nous l’avons déjà décrit dans quelques réponses d’expert et notamment la numéro 70, l’utilisation de l’Irriflex qui est un embout souple en plastique et conique permet d’agiter la solution dans le canal tout en la renouvelant.

Personnellement, il me semble que l’on peut encore optimiser la qualité de la désinfection en l’agitant avec un insert ultra-sonore. La mise sur le marché récent d’insert en PEEK qui est un plastique souple, est une évolution intéressante, car elle nous permet de nous affranchir des risques de création de défaut sur les parois par des inserts métalliques.

Si vous voulez en savoir plus sur ces inserts et ces produits, vous retrouverez leur description dans le commentaire de cette vidéo.

Conclusion

En conclusion, rappelons nous deux choses :

La vraie désinfection d’un canal commence uniquement quand la mise en forme est terminée. Alors que nous avons souvent tendance à penser que le traitement se termine à ce stade, en réalité, sur le plan microbiologique il ne fait que commencer !

Il est fortement conseillé d’une part d’associer une solution de désinfection et une solution chélatante (EDTA ou HEDP) et d’autre part d’activer la solution au sein du canal. Les produits et dispositifs à notre disposition aujourd’hui permettent de mettre en place ces protocoles très facilement et sont à la portée technique et financière de tout praticien.

À très bientôt.

Retrouvez ici les produits et dispositifs mentionnés dans cette réponse d’expert

Solution d’EDTA à 17%

Solution d’hypochlorite de sodium

Le Dual Rinse (MEDCEM)

Irriflex (PDSA)

Embout en Peek pour l’activation Ultra sonore

-Les Pièces à main d’activation ultrasonore sans fil : L’Endo3 (Woodpecker) ou le Z Activator (Zarc)

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