Une minute d’inattention, un blocage de l’aiguille dans le canal et une injection d’hypochlorite au-delà de l’apex. Ça peut arriver à tout le monde. Mais pourquoi une réaction aussi brutale ? et cliniquement, comment le gérer ?
C’est le sujet que je vous propose d’aborder cette semaine dans la nouvelle réponse d’expert d’Endo Academie.
L’intérêt d’utiliser de l’hypochlorite de sodium pour la désinfection en endodontie, n’est pour le moment au moins, absolument pas discutable.
Pour autant, il ne faut pas oublier que l’hypochlorite est caustique, et présente une toxicité avérée. Notamment pour les tissus vivants. Plus la concentration est élevé, plus la quantité d’acide hypochloreux est importante, et donc plus la solution est toxique si elle entre en contact avec des tissus biologiques qu’elle ne devrait pas rencontrer.
Tant que la solution reste confinée à l’intérieur du canal, tout se passe bien.
Mais si par une manœuvre malencontreuse le produit est expulsé au-delà du foramen et se retrouve en contact direct avec les tissus parodontaux, alors les conséquences sont non négligeables. Ceci peut survenir si l’aiguille d’irrigation est bloquée dans le canal, ce qui provoque une injection en force, et si le foramen apical est large.
Dès que la solution est en contact avec les tissus péri-apciaux, se produit alors une hyper- hémolyse, une nécrose des tissus concernés et une oxydation très forte des tissus biologiques concernés libérant alors de l’oxygène natif en quantité anormale.
La résultante clinique se traduit par des signes qui ne trompent pas. Et ceux qui y ont été confrontés, ne sont pas près de l’oublier :
Heureusement, ce type d’accident n’est pas fréquent. Mais lorsqu’il arrive, il faut être préparé à réagir rapidement.
Pour la conduite à tenir, il est difficile de trouver un protocole établi. A part une succession de rapports de cas où chaque auteur présente sa façon de procéder, il n’y a à ma connaissance pas de protocoles clair et validé.
Une équipe Marseillaise a publié en 2017 (1) une revue qui a permis de faire la synthèse de tous les cas rapportés dans la littérature. L’intérêt était d’essayer de proposer un traitement consensuel que chaque praticien pourrait mettre en application en cas de survenue de cet accident.
Malheureusement, et comme ils le démontrent dans leur discussion, le contenu de la littérature ne permet pas d’établir un tel protocole basée sur l’évidence.
Alors, il convient de réagir avec du bon sens. Le protocole présenté ci-après est une sorte de synthèse de tout ce que l’on peut lire dans les ouvrages ou les rares publications afférentes à ce sujet.
Premièrement, ne pas paniquer – le patient n’a pas besoin de cela en plus.
Irriguer le canal rapidement et abondamment avec du sérum physiologique ; cette irrigation permet de faciliter le drainage de l’hémorragie
Ne surtout pas chercher à contrôler l’hémorragie intra canalaire. Au contraire. Si elle s’arrête, essayer de la laisser se poursuivre en passant une lime au delà de l’apex. Tout ce qui pourra être drainé ne stagnera pas dans les tissus mous.
Expliquer au patient ce qu’il se passe et le prévenir que l’hématome va persister pendant plusieurs jours avec un changement d’état et de couleur au fur et à mesure du temps.
En général, la douleur, bien que violente, est de faible durée et s’est dissipée avant que le patient ne quitte le cabinet.
Si le drainage est permanent, il me semble rassurant de laisser la dent ouverte pendant 24 ou 48 heures afin de permettre l’écoulement si celui-ci peut avoir lieu.
En complément, il est conseillé de mettre en place une antibiotéhrapie (Amoxicilline 2g/jours pendant 7 à 10 jours) associée à une corticothérapie (à raison d’1mg par kg en une prise le matin) pendant 4 jours.
Le patient pourra également appliquer des poches de glace pendant les 24 à 48 heures à suivre de façon à essayer de limiter le grossissement de l’hématome.
Si la dent a été laissée ouverte, elle sera refermée 2 ou 3 jours plus tard si la symptomatologie le permet.
A la fin de l’antibiothérapie, le canal pourra être nettoyé gentiment, une médication mise en place et la dent laissé en l’état jusqu’à la disparition totale des symptômes. La cicatrisation du parodonte profond demande du temps, et il est préférable que tout soit rentré dans la normalité avant de poursuivre le traitement.
Si dans la plupart des cas les choses se passent bien, il ne faudra pas hésiter à organiser l’hospitalisation du patient dans les formes les plus sévères ou qui deviennent incontrôlables à notre niveau.
Pour terminer, on comprend avec ce type d’incident que nos actes, et surtout nos erreurs, peuvent avoir des répercussions importantes.
Il existe une discussion récurrent sur l’intérêt et la pertinence d’utiliser des solutions pharmaceutiques d’hypochlorite de sodium, certes plus onéreuses plutôt que des préparations commerciales non médicales.
Les préparations dites pharmaceutiques sont contrôlées, leurs composants sont tracés, et on comprend ô combien cela peut prendre de l’importance lorsqu’un tel accident survient. Je ne sais pas si les effets sont différents en fonction de la solution, mais une chose est sûre c’est qu’en cas d’un tel accident, il semble plus rassurant d’expliquer au patient ou à une équipe médicale que la solution utilisée ne venait pas d’un étalage de supermarché.
Mais la meilleure façon de gérer ces situations est d’éviter qu’elle ne se produise.
Voilà, l’essentiel est là, mais la réponse mérite largement d’être approfondie.
(1) Guivarc’h M, Ordioni U, Ahmed HM, Cohen S, Catherine JH, Bukiet F. Sodium Hypochlorite Accident: A Systematic Review. J Endod. 2017 Jan;43(1):16-24.
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