L’imagerie tridimensionnelle a le vent en poupe, et l’endodontie n’est pas épargnée.
Au-delà de l’utilité évidente qu’apporte la vision en 3D d’une dent, doit-il pour autant être considéré comme un examen de routine ?
C’est la question que je vous propose d’aborder cette semaine, dans la nouvelle réponse d’expert d’Endo-académie.
Il y a 20 ans, alors que je balbutiais en endodontie, plusieurs choses m’ont marqué. Parmi elles, la première conférence à laquelle j’assistais du duo Jean Yves Cochet et Marie Hélène Roisin-Chausson sur l’utilisation du Scanner en endodontie et traumatologie.
L’accès aux images en 3D donnait une autre dimension, celle qui nous manquait pour faciliter les traitements, éprouver nos diagnostics, et nous rendre compte à quel point cette troisième dimension était nécessaire pour découvrir des lésions apparemment inexistantes sur les radiographies.
Pourtant, je me souviens aussi des critiques que cette nouvelle imagerie apportait, notamment à cause de l’irradiation inhérente à l’examen.
10 ans plus tard, les premiers CBCT, véritable scanner au cabinet, étaient commercialisés et installés. Depuis, la plupart des fabricants de matériel d’imagerie en proposent.
Plus qu’ils en ont implantologie, ont-ils un intérêt en endodontie.
Je dirai, bien sûr !
Qui peut aujourd’hui nier l’intérêt d’avoir une modélisation de la dent en 3D pour mettre en évidence les canaux, leur forme, leur trajectoire, leur courbure, leurs communications etc.
Qui peut aujourd’hui peut nier l’intérêt qu’apporte cette technologie pour détecter les lésions apicales d’origine endodontique, invisibles à la radiographie. Dans sa publication de 2008, Estrela * comparait la sensibilité des différentes techniques de radiographie. La sensibilité correspond à l’aptitude de ces examens à détecter une lésion présente.
On comprend alors à quel point l’examen CBCT est important lorsque la détection de ces lésions est cruciale pour la santé du patient. Par exemple dans les bilans préopératoires de greffes d’organe ou d’intervention cardiaque ou le risque d’infection d’origine endodontique doit être réduit à 0.
Pourtant, à ce jour, aucune recommandation ne préconise cet examen dans le cadre de cette consultation, ni ne décrit l’intérêt qu’il apporte.
Au-delà des investigations dans le cadre de la recherche, le CBCT est essentiellement utilisé en prétraitement. Soit pour appréhender l’anatomie radiculaire et endodontique de la dent à traiter par traitement rétrograde, ou pour identifier les rapports anatomiques de la dent avec les structures avoisinantes en pré-chirurgical.
Il faut reconnaître que les informations apportées par l’examen sont tellement utiles, que la tentation d’y avoir recours est forte.
C’est là que le bas peut blesser.
L’émerveillement de l’examen peut avoir tendance à motiver des prescriptions qui pourraient être qualifiées excessives.
Pour les anticiper, la société américaine d’endodontie et la Société Américaine d’imagerie Oro-Faciale se sont associées pour publier les recommandations de prescritpion d’un examen CBCT à un patient. Force est de constater, qu’elles sont finalement très limitées. Et elles le sont volontairement, car n’oublions pas qu’il s’agit d’un examen faisant appel à des rayonnements X loin d’être totalement inoffensifs sur le plan biologique et médical.
L’avantage que l’on a en endodontie, est qu’en général nous nous intéressons à une seule dent. Il est donc possible d’utiliser des capteurs dit petit champ au lieu des grands. Il reste cependant à démontrer clairement que même si l’irradiation est inférieure elle ne génère pas pour autant plus de rayons induits qui peuvent être finalement plus nocifs en termes d’irradiation.
En complément de la technologie, les applications développées pour exploiter les images sont de plus en plus sophistiquées. Pour l’endodontie, une application dédiée est dorénavant disponible pour mieux anticiper les difficultés d’un traitement. Endo3D mise au point et distribuée par Dentsply Sirona, permet d’extraire des fichiers acquis la dent à traiter, de l’isoler et de l’analyser. Grâce à des outils simples et spécifiques, cette application est une véritable aide préopératoire au traitement pour réaliser la cavité d’accès, identifier les entrées canalaires, obtenir une première idée de la longueur de travail, ou encore nous aider à choisir le système de mise en forme.
Que des avantages…
Le risque ? et bien toujours le même ! risquer d’augmenter le nombre de prescription de cet examen à cause du confort que cet examen apporte.
Il est impossible de ne pas considérer le CBCT comme un élément supplémentaire à notre arsenal thérapeutique. Il est quand même nécessaire de toujours considérer qu’il s’agit d’un examen utilisant des radiations, et qu’elles sont néfastes à la santé. Ceci devrait nous contraindre à utiliser cet examen à bon escient, et toujours dans le souci de bénéfice du patient.
Voilà, je ne sais pas si l’essentiel est là, mais la question mérite largement d’être approfondie.
* Estrela, C., Bueno, M. R., Leles, C. R., Azevedo, B., & Azevedo, J. R. (2008). Accuracy of cone beam computed tomography and panoramic and periapical radiography for detection of apical periodontitis. J Endod, 34(3), 273–279.
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