Les cellules souches… tout le monde en entend parler. Mais sait-on pour autant exactement de quoi il s’agit ?
A quoi servent elles ? Comment les identifie-t-on ?
En quoi peuvent-elles être utilisées en endodontie ?
C’est ce sujet que je vous propose d’aborder ce mois ci pour cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie.
Quand je me suis initié à la recherche il y a 15 ans maintenant, j’avais du mal à expliquer en société ce que je faisais et en quoi cela pourrait révolutionner la dentisterie.
Bon, 15 ans plus tard, j’ai compris que je ne révolutionnerai rien et je vis très bien finalement avec cette idée.
J’avais cependant remarqué que dès que je prononçais les mots « cellules souches », tout de suite je gagnais l’intérêt des gens.
Vous aussi vous voulez briller en société ? alors voyons de quoi on parle exactement…
En biologie, pour être considérée comme « cellule souche », une cellule doit présenter deux caractères particuliers :
1- être capable de se renouveler à l’infini ;
2- pouvoir se transformer en différentes cellules spécialisées. C’est ce que l’on appelle en biologie « la différenciation »
Dans la connotation de cellule souche,il y a souvent, à tort, la notion d’aptitude de ces cellules à pouvoir donner n’importe quelle autre lignée cellulaire. En fait, très peu de cellules ont cette aptitude.
Les seules cellules capables de former un organisme total sont des cellules dites totipotentes – on ne peut les prélever qu’à un stade très précoce du développement, au stade de Blastocyste, c’est-à-dire à 7-10 jours après fécondation. Ces cellules sont celles qui sont utilisées pour faire du clonage.
Dans un organisme d’un adulte, ces cellules n’existent plus.
Parce que dans un organisme adulte les cellules souches sont déjà engagées dans des programmes de différenciation, on a tendance aujourd’hui à les appeler des « cellules progénitrices. »
La différenciation est le processus biologique qui spécialise les cellules en leur faisant perdre leur plasticité.
Cette différenciation est irréversible naturellement. C’est-à-dire qu’une cellules osseuse ne peut pas se « dé-différencier » pour revenir à l’état d’une cellule plus plastique. Il existe des moyens techniques de le faire, mais ils font appel à des manipulations génétiques. On parle alors de transdifférenciation, mais il ne s’agit pas d’un processus naturel.
Une cellule progénitrice adulte est une cellule qui est déjà engagée dans un processus de différenciation qui va la conduire à acquérir un phénotype déterminé. Le phénotype est la carte d’identité individuelle de la cellule. Des cellules osseuses et dentinaires ont des points communs (elles minéralisent) et des points de différence (l’une fait de l’os, l’autre la dentine). On parle alors de phénotype osseux et de phénotype dentinaire. Ces cartes d’identité sont caractérisées par les marqueurs biologiques essentiellement protéiques.
Lorsque elles sont impliquées dans un processus de cicatrisation, les cellules souches, peu nombreuses entrent en action selon un processus en trois étapes.
1- Elle se divise et donnent deux cellules. L’une va venir la remplacer et maintenir le nombre de cellules dans la niche,
2- La seconde va migrer, attirée notamment par des molécules d’attraction sécrétées en partie dans le processus inflammatoire – c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’inflammation est nécessaire à l’initiation du processus de cicatrisation
3- Arrivée sur le site de la lésion, la cellule reçoit les informations qui la font entrer dans un processus de différenciation. C’est au cours de ce processus qu’elle acquiert sa spécialité, son identité.
Dans le processus de cicatrisation pulpaire, les cellules qui seraient impliquées dans la réparation, sont les Cellules souches de la pulpe adulte. Les DPSCs pour Dental Pulp Stem Cells. Découvertes par Gronthos en 2000, ces cellules sont peu nombreuses et représenteraient moins de 1% de la population cellulaire de la pulpe.
La sphère orale présentent de très nombreuses populations de cellules souches. Parmi les plus accessibles on retiendra :
– Les cellules souches de la dent de lait, appelées SHED, découvertes en 2001 par Shi et Miura
– Les cellules souches de la papille apicale, logées à l’apex des dents immatures et qui pourraient être impliquées dans le processus de régénération tissulaire par revitalisation
– Les cellules souches du ligament ou DPLSC
– Les cellules souches dans les follicules des dents de sagesse, etc.
– Il y en a même qui ont été identifiées dans les lésions apicales elles-mêmes.
Au-delà du processus de cicatrisation pulpaire et de la revitalisation, les cellules souches de la pulpe ont été investiguées pour la régénération osseuse.
Voici en résumé l’expérimentation publiée par d’Aquino en 2009.
Sur des patients nécessitant l’extraction de 4 dents de sagesse, ils sont intervenus en deux temps.
Lors de la première séance, les deux molaires maxillaires ont été extraites. De ces dents, ils ont extrait les cellules souches qu’ils ont amplifiées in vitro.
Lors de la seconde séance, les deux dents de sagesse mandibulaire ont été extraites. D’un côté, ils ont placé une éponge de collagène neutre, et de l’autre côté une éponge de collagène enrichie avec les cellules souches préalablement amplifiées.
Après trois mois de cicatrisation, ils montraient qu’au niveau des alvéoles comblées avec les cellules souches, le gain osseux était de 50% par rapport au côté sans cellules.
Les auteurs ont même poussé les investigations en retournant sur le site pour faire un prélèvement et montrent que le tissu régénéré est bien de l’os haversien.
Si cette expérimentation est discutable sur le plan scientifique et éthique, elle a ce gros avantage de bien expliquer qu’en fonction de sa plasticité, une cellule souche est capable de se spécialiser en différents tissus. Et que la différenciation dépend étroitement de l’environnement dans lequel elle a été placée. En l’occurrence une cellule souche dentaire placée dans de l’os va se différencier non pas en odontoblaste mais en ostéoblaste puis ostéocyte. C’est ce que l’on appelle l’effet Paracrine. L’influence de l’environnement sur le contenu de la cellule.
Dans la régénération, l’origine embryologique des cellules joue également un rôle très important. Les cellules de le sphère orale dérivent toutes des crêtes neurales.
Mais toutes les cellules osseuses ne sont pas issues des crêtes neurales.
Les cellules osseuses squelettiques par exemple ont une origine embryonnaire différente.
C’est en partie pour cela que des greffes osseuses squelettiques dans la sphère orale aboutissent non pas à un rejet, mais à une fonte du greffon à terme. Le site récepteur ne reconnait par le greffon à cause de son fond embryologique.
La biologie a cela de passionnant, c’est qu’elle régit tout. Dans notre exercice, elle est là, elle est partout, et pourtant, on la connait mal.
Je peux vous assurer que quand on fait l’effort de l’appréhender, ce qui demande du temps, elle est passionnante.
Hermétique pour ne pas dire étanche à son apprentissage lors de ma formation initiale, c’est la rencontre sur mon parcours professionnel d’Ariane Berdal qui m’a mis au défi de m’y intéresse. Aujourd’hui j’en ai appris le vocabulaire, la démarche. Sans être un grand chercheur j’ai cette chance énorme de parler le language des chercheurs, ce qui me permet d’éveiller ma curiosité et de voir ma profession différemment.
Je tiens à la remercier ici de m’avoir permis de sortir de ma zone de confort d’obturateurs de canaux.
Vous l’aurez compris, je ne peux que vous inciter à vous intéresser à la biologie, avec des communications comme celles-ci dont le mot « vulgarisation » n’a rien de péjoratif. Connaitre c’est pouvoir comprendre. Et comprendre permet de s’améliorer.
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