Depuis deux ans, nous avons vu apparaitre, pour ne pas dire « surgir » sur le marché, des instruments en or. Ou plutôt devrais-je dire « dorés ». Et ils sont particulièrement flexibles et déformables.
Alors, ces nouveaux instruments dits « Gold » apportent ils vraiment quelque chose à notre exercice en endodontie ? De quoi s’agit il ? Comment sont-ils fabriqués ?
Pour comprendre leur intérêt, il faut reprendre l’évolution des instruments depuis le premier lancement sur le marché français en 1995. Trois systèmes sont alors disponibles sur le marché, et nombreux sont les praticiens qui ne croient pas à cette nouvelle instrumentation. L’avenir leur donnera tort, puisqu’aujourd’hui, on considère que plus de 85% des praticiens utilisent la rotation continue avec une instrumentation en Nickel Titane.
Ce nouvel alliage très élastique et flexible rendait possible l’utilisation d’une instrumentation mécanisée, en rotation continue pour mettre en forme dans les canaux.
A cette époque, tous les instruments sont fabriqués avec le même alliage qui contient du Nickel et du titane en quantité équivalente pour simplifier.
La différence de flexibilité ou de résistance des instruments n’était donc pas lié à l’alliage mais au design des instruments. Volume de la masse centrale, dessin des angles de coupe, diamètre et conicité, etc.
Bien que flexible, l’utilisation de ces instruments restait très sensible et les risques de fractures non négligeables ; notamment à cause de l’utilisation mécanisée en rotation continue.
Alors que le design des instruments a continuellement évolué, la recherche en métallurgie a quant à elle également fait des progrès.
L’évolution a très peu concernée la composition de ces alliages (au moins de ce que j’en sais personnellement). Elle a surtout concerné la modification de la structure de ces métaux, par des protocoles de traitements thermiques.
Pour être simple, il s’agit d’appliquer aux instruments un chauffage à plus ou moins haute température à un métal. Ce chauffage peut être appliqué de façon continue, ou par pallier alternatifs, associant ou non des refroidissements entre chaque phase.
Un traitement thermique bien connu est celui utilisé pour l’acier trempé par exemple. Plombiers et dentistes utilisent également ce procédé avec le cuivre. En chauffant un tube ou une bague de cuivre et en la trempant immédiatement dans l’éthanol, le métal devient très manipulable et déformable. On parle alors de « recuit ».
Ces traitements thermiques ont pour conséquence de modifier la structure du métal, notamment leur organisation cristalline. On parle alors de « changement de phase » pour un métal. Pour le Nickel titane, les phases martensitiques et austénitiques sont deux phases différentes d’un même métal, avec des conséquences importantes sur le comportement mécanique.
Le premier traitement thermique connu et appliqué depuis quelques années a permis d’obtenir un alliage nickel titane plus flexible et résistant. Il s’agit du M-Wire.
Les traitements thermiques qui permettent d’obtenir du M-Wire consiste en une succession de réchauffage du métal sous contraintes mécaniques associées (traction pression). Ils sont appliqués sur le métal brut, avant qu’il ne soit usiné. Ainsi, les industriels le reçoivent en tant que tel. Le métal peut être alors usiné pour fabriquer les instruments.
L’innovation plus récente, c’est que les nouveaux traitements thermiques sont appliqués à l’instrument une fois qu’il a été usiné. Ainsi, chaque fabricant applique les traitements qu’il souhaite, dans son unité de production
La première société qui a appliqué ce type de traitement est la société Coltène-Whaledent avec l’Hyflex. L’instrument est déformable et le retour à la normal est obtenu par chauffage de l’instrument. Depuis de nombreux instruments ont évolué avec cette technologie.
Tous les industriels n’utilisent pas le même protocole. Ainsi, les résultats obtenus sont différents.
Au-delà des modifications mécaniques, ces traitements thermiques ont pour conséquence de modifier la couleur de l’instrument. Ainsi, au lieu d ‘avoir des instruments « argentés », et bien nous utilisons des instruments dorés (d’où le nom de Gold) ou bleuté (d’où le nom de Blue comme pour le Reciproc Blue) pour les plus connus.
Tous les tests permettent de démontrer une amélioration de la flexibilité mais également de la résistance à la fracture des instruments endodontiques.
Alors si tels sont les avantages, pourquoi tous les instruments ne sont pas Gold ou Blue.
Tout simplement parce que les propriétés intrinsèques du métal sont une chose. Mais le dessin de l’instrument est tout aussi important.
Ainsi c’est l’association « choix de l’alliage » et « dessin de l’instrument » qui doit être considéré, et non pas l’un des deux facteurs pris séparément.
Le Protaper par exemple qui un instrument « trapu », voit ses propriétés mécaniques nettement améliorées avec un alliage dit Gold. C’est la même chose pour le Wave One. Les propriétés du Wave One Gold pour lequel et l’alliage et le dessin de l’instrument ont été améliorés sont très nettement améliorées par rapport au Wave One. Le Reciproc a récemment été remplacé par le Reciproc Blue, beaucoup plus flexible. Mais le Reciproc était très apprécié pour son efficacité, sa certaine rigidité. Le rendre plus souple est-ce une bonne chose ?
Le contre-exemple est le Protaper Next. Avez-vous remarqué que cet instrument n’est pas proposé dans une version Gold ? ni Blue ?
Et bien tout simplement parce que la flexibilité de l’instrument est telle que si l’alliage utilisé était encore plus souple que le M-Wire et bien l’instrument deviendrait beaucoup moins efficace, car trop flexible.
Les traitements thermiques des alliages a permis d’améliorer les instruments que je pourrais qualifier de « classiques » tels que ceux que nous venons de décrire. Mais ils ont également permis d’innover encore plus loin dans le domaine de l’instrumentation.
En effet, la société FKG par exemple a récemment innové en proposant des instruments totalement différents. Qu’il s’agisse du XP Finisher, instrument d’activation mécanique de la solution d’irrigation, ou du XP Shaper. Le concept d’utilisation est totalement différent et innovant. Il y a fort à parier qu’ils ont ouvert là une véritable porte d’innovation.
En utilisant les instruments concernés, on se rend compte très vite de l’intérêt apporté par ces traitements thermiques.
Mais au final, il nous faut vraiment considérer que les propriétés d’un instrument sont liées à la fois à la propriété de l’alliage mais également au dessin de l’instrument. Et c’est en jouant sur ces deux paramètres que finalement on verra une différence d’efficacité et de sécurité d’utilisation d’un instrument à l’autre.
L’essentiel est là, mais la question mérite largement d’être approfondie.
A très bientôt.
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