#63 – Comment peut on simplifier son protocole d’irrigation en endodontie ?

S’il y a peu d’évidence en endodontie, il y en a au moins une, c’est que c’est l’irrigation qui assure la désinfection du système canalaire. Les protocoles à utiliser sont cohérents mais suscitent encore beaucoup de discussion et d’interrogation.

L’association de plusieurs solutions rend les choses compliquées. Peut-on simplifier ces procédures, et si oui, comment ?

C’est cette question que je vous propose d’aborder cette semaine pour cette nouvelle réponse d’expert d’Endo Académie. C’est aussi un sujet approfondi dans certaines de nos formations en endodontie.

Instrumentation – Irrigation, le duo gagnant en endodontie

L’instrumentation met en forme, l’irrigation désinfecte. Voilà une affirmation qui résume parfaitement les objectifs techniques d’un traitement canalaire. En gros, on élargit l’espace canalaire de façon à permettre la circulation de la solution et lui permettre surtout d’atteindre le dernier tiers apical qui reste la zone cible de nos traitements.

Même si la recherche reste très présente sur l’investigation de nouvelles solutions d’irrigation, l’hypochlorite de sodium reste, à ce jour, la solution de choix. On peut discuter de la concentration idéale, mais la molécule elle-même ne prête pas à discussion.

Pour faire simple, on utilise une solution dont la concentration est comprise entre 1% et 6%.

Pourquoi 1% ? Parce que c’est la concentration minimale qui assure à la fois la désinfection, mais également la dissolution des matières organiques (nécrosées ou non) présentes dans le système endodontique.
En dessous de 1% la concentration est trop faible pour assurer cette double fonction. Elle désinfecte, mais n’élimine pas les débris par dissolution.

Pourquoi 6% au maximum ? Tout simplement à cause de la toxicité du produit. Plus le produit est concentré, plus il est toxique.

N’oublions pas que cette solution est utilisée au contact de tissus vivants dans la zone péri apicale et que toutes les précautions médicales doivent être prises.

Le fait est que plus la solution est concentrée, plus elle est efficace… À volume égal. Si l’on préfère utiliser une solution faiblement concentrée, il faudra augmenter le volume.

Un chélatant pour dissoudre les débris minéraux

La deuxième composante de l’irrigation, est la dissolution des matières non organiques. Lorsque l’on instrumente un canal, on crée des débris qui sont composés de débris organiques et minéraux ; en coupant la dentine, les instruments créent des débris partiellement minéralisés qui se trouvent plaqués sur les parois du canal. Au sein de cette boue, on y trouve notamment les bactéries… Celles que l’on cherche à éliminer.

Pour les libérer et les rendre « accessibles » à l’hypochlorite, il faut donc dissoudre cette boue dentinaire. Et pour ce faire on doit utiliser une solution chélatante, c’est-à-dire qui déminéralise cette épaisseur, afin de ne laisser en place que la partie organique, qui elle, sera dissoute par l’hypochlorite de sodium.

Quand on a bien compris et assimilé ces notions de dissolution, on comprend pourquoi l’utilisation de deux solutions est nécessaire pour bien désinfecter un système canalaire.

De nombreuses solutions chélatantes ont été proposées pour assurer cette phase de déminéralisation. Les solutions liquides d’EDTA sont celles qui sont le plus souvent utilisées et conseillées quand certains praticiens préfèrent l’acide citrique.

Protocole d’irrigation en endodontie

La phase d’irrigation en endodontie peut être découpée en 2 temps.

Le premier temps c’est l’irrigation pendant la phase d’instrumentation dont l’objectif principal est d’éliminer les débris créés par l’effet de coupe des instruments. La désinfection commence à ce stade, mais ce n’est pas ce qui est le plus recherché. L’irrigation doit être abondante et renouvelée en permanence afin d’éviter de créer des bouchons et d’épaissir la couche de boue dentinaire qui se dépose petit à petit et en augmente l’épaisseur et la densité.

Dans cette première phase, on utilise uniquement de l’hypochlorite de sodium. Pourtant, l’adjonction d’une solution chélatante, dans cette phase, permettrait de ramollir la dentine et de faciliter l’effet de coupe des instruments. Elle n’est pourtant pas exploitée. Certains ont proposé l’utilisation de gels d’EDTA, mais les composants utilisés pour obtenir cette consistance de gel sont difficiles à éliminer, compliquant quelque part encore plus l’élimination de cette boue constituée.

La seconde phase du protocole d’irrigation est celle que l’on appelle l’irrigation finale.

La mise en forme canalaire est terminée, et les solutions peuvent ainsi atteindre le tiers apical du canal pour le désinfecter.

C’est en fait à partir de ce moment-là, quand la mise en forme est terminée, que la vraie désinfection peut s’opérer. Pas avant.

Le protocole doit donc prévoir l’utilisation de plusieurs solutions complémentaires, une désinfectante et une chélatante, un moyen d’activation, voir de nettoyage complémentaire tel que le laser comme nous l’avons abordé dans la réponse d’expert précédente.

Un des problèmes de ces solutions c’est qu’elles ne sont pas miscibles. On ne peut pas mélanger l’hypochlorite et l’EDTA sans risque d’annuler leurs effets propres. Et sur un plan ergonomique, c’est bien dommage.

Pour pallier cet inconvénient, une équipe Suisse a travaillé sur un produit chélatant qui peut être mélangé à l’hypochlorite de sodium.

Mis au point par le Dr Matthias ZEHNDER de l’Université de Zurich, ce chélatant se présente sous la forme d’une poudre distribuée dans des gélules qui est mélangée à l’hypochlorite de sodium en début de traitement.

Mélangé à 10 ml d’hypochlorite de la concentration de notre choix, on obtient une solution à double effet – désinfectante et chélatante. Utilisée pendant les deux phases du traitement, elle permet notamment de profiter du pouvoir chélatant même pendant la phase d’instrumentation.

Cette solution est commercialisée par la société MEDCEM en Suisse sous le nom de Dual Rinse HEDP.

L’utilisation d’une telle solution facilite l’ergonomie dans la mesure où il n’y a plus besoin d’avoir deux produits et deux seringues. Mais elle ne nous affranchit pas des autres impératifs de l’irrigation endodontique, à savoir l’utilisation d’un volume abondant de solution entre 10 et 15 ml pour un traitement sur une molaire, et de tout moyen complémentaire pour l’activation, qu’elle soit sonore, ultrasonore, mécanique et manuelle. Peu importe la technique, mais l’activation au sein du canal reste une étape importante.

En résumé

En résumé, souvenez-vous que si vous utilisez deux solutions, Hypochlorite et EDTA par exemple, votre protocole d’irrigation final doit prévoir leur association sans les mélanger au sein du canal. Ils doivent être utilisés l’un après l’autre en vidant le canal par aspiration du contenu du canal avant d’y insérer la seconde solution.

Si vous voulez faciliter votre protocole opératoire d’irrigation et profiter d’une solution chélatante tout au long du traitement, l’utilisation du Dual Rinse HEDP peut être une solution.

Voilà, il est difficile de résumer toute l’irrigation en endodontie dans un délai aussi court, mais on peut considérer que l’essentiel y est ;

Si vous voulez aller plus loin, n’hésitez pas à parcourir notre catalogue de formation en endodontie. Vous y trouverez, j’en suis sûr, la formation qui vous convient.

À très bientôt !

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