#50 – C’est quoi un IDS ?

Depuis près d’une dizaine d’année, le terme d’IDS, pour Immediate Dentin Sealing (c’est à dire Scellement Dentinaire Immediat) s’est répandu comme une trainée de poudre dans le monde de la dentisterie restauratrice, de la prothèse et de l’esthétique.

Que signifie-t-il  exactement ?  Existe-t-il un scellement dentinaire retardé ?  S’agit-il d’un effet de mode, ou disposons nous de preuves scientifiques ?

Comment le réalise-ton  ?

Et bien c’est à toutes ces questions que répond cette semaine le Dr Anthony ATLAN pour notre 50ème réponse d’expert.

Une évolution de l’adhésion

L’adhésion en dentisterie a été une révolution. Elle a permis un changement de paradigme car elle permet de réaliser des restaurations moins invasives. Elle nous a libéré, délivré des impératifs de la prothèse conventionnelle, notamment du besoin de rétention mécanique, qui oblige à délabrer plus fortement les structures dentaires résiduelles.

Ce n’est plus la dent que l’on adapte au besoin de la prothèse, mais la restauration qui va venir s’adapter aux structures dentaires résiduelles.

Cependant, si cette nouvelle dentisterie a permis de faire des traitements moins invasifs, elle s’est naturellement accompagné de nouveaux échecs.

Les échecs liés au collage

En premier lieu, les problèmes de décollement : les valeurs d’adhérence nécessaires ne peuvent être obtenues que par un strict respect des protocoles. Ces techniques d’adhésion sont très opérateurs dépendants et n’acceptent que peu de compromis. Les décollements et les échecs mécaniques ont donc également naturellement suivi.

Par exemple, Dumfarht et Friedman (1,2) ont montré que les facettes céramiques collées à la fois sur l’émail et sur la dentine présentaient des risques d’échec plus élevés par rapport à des facettes collées uniquement sur de l’émail.

L’adhésion à la dentine est donc plus problématique, et ce pour plusieurs raisons :

Le premier facteur  est la Contamination pendant la temporisation.

En 96 et 97, Schärer et Paul (3) ont montré que le simple contact de la dentine avec un ciment de scellement provisoire fait chuter les valeurs d’adhérence. Il semble que la contamination de la dentine s’accompagne d’une forte perturbation des capacités d’adhésion. Et cela sans même simuler la contamination par la salive et les bactéries.

Leur conclusion est  que le seul moyen d’obtenir les plus hautes valeurs d’adhérence c’est de coller sur de la dentine fraichement coupée, non contaminée. Et le seul moment où l’on dispose de ce substrat, c’est juste avant l’empreinte. Paul et Schaerer ont donc proposé de réaliser l’adhésion à la dentine à ce stade, c’est le protocole de Dual Bonding(4).

La prépolymérisation de l’adhésif

La polymérisation de l’adhésif avant la mise en place du matériau de restauration procure des valeurs d’adhérence plus élevées grâce à la nature de la couche hybride. La couche hybride c’est cette zone d’interpénétration entre le réseau de collagène de la dentine et le réseau de polymères du système adhésif.

C’est elle qui permet l’adhésion à la dentine. Tant que l’adhésif n’est pas polymérisé, cette couche hybride n’est pas solidifiée, et reste très sensible et fragile. Si elle est comprimée, lors d’un assemblage d’onlay par exemple, le réseau de collagène s’écrase, les valeurs d’adhérence s’effondrent  (5–7).Et d’ailleurs, même sans contrainte externe, il existe des contraintes internes au sein de la couche hybride juste après polymérisation, qui sont liées à la contraction du réseau de polymères.

Ces contraintes s’équilibrent lentement  mais cela prend du temps : 3 à 5 minutes. Attendre la fin de cette maturation avant de contraindre la couche hybride procure donc de meilleures valeures d’adhésion. C’est le delayed loading, que l’on peut traduire par la mise en charge retardée.

Alors polymériser l’adhésif avant de mettre en place le matériau de restauration, c’est ce que nous faisons tous les jours lorsque nous réalisons des restaurations en technique directe. Mais cela peut compliquer beaucoup de choses pour les restaurations indirectes (inlay, onlay, overlay, facettes)

  • L’épaisseur de la couche d’adhésif peut fortement varier en fonction de la géométrie de la cavité. Sur une préparation douce et convexe, elle peut descendre à 60microns. Mais sur des zones concaves, ou au fond de la cavité, elle peut atteindre les 300microns (8).Si cette épaisseur d’adhésif est polymérisée avant la mise en place de la pièce, l’insertion devient alors impossible. Il a donc été proposé d’utiliser des systèmes adhésifs très fluides, permettant d’obtenir une couche très fine. Mais nous nous retrouvons alors confronté à un autre problème
  • L’inhibition de polymérisation par l’oxygène de l’air. En effet, l’oxygène est un inhibiteur de prise des polymères. Il y a donc à la surface de tous les composites et adhésifs une couche inhibée. C’est d’ailleurs cette couche qui nous permet de stratifier des composites. Chaque apport de composite peut coller à la précédente. Mais lors de la photopolymérisation de l’adhésif, l’épaisseur de cette inhibition peut être plus importante que la couche hybride elle même si l’épaisseur de la couche d’adhésif est trop fine. Elle serait alors écrasée sous la contrainte lors de l’assemblage puisqu’elle ne serait en fait pas polymérisée.

Quelle solution ?

Alors comment faire ? Et bien, tous ces problèmes peuvent être réglés très simplement : en réalisant l’adhésion à la dentine immédiatement après la préparation, juste avant l’empreinte. C’est ce qu’on appelle l’Immediate Dentin Sealing (IDS). Elle s’oppose donc à la Delayed Dentin Sealing, pour laquelle l’adhésion à la dentine est réalisée simultanément à l’assemblage de la restauration.

Alors comment réaliser correctement cette procédure. Voici une liste, non exhaustive, des points les plus importants :

  • Toujours travailler sur une dentine propre, fraichement coupée, particulièrement sur les contours de la restauration. Des colorations, de la dentine corrodée ou un tissu légèrement ramolli peuvent être éventuellement laissés en niveau des zones proches de la pulpe. En revanche, l’émail et la dentine en périphérie de la préparation doivent entre exempts de toute transformation, pour assurer les meilleurs performances en terme de d’adhésion et d’étanchéité. Une approche systématique de la prise en charge des caries profondes, à l’aide de révélateurs colorés a été proposée (9).
  • Utiliser un système adhésif chargé, épais et visqueux. L’appliquer en couche généreuse et ne pas le souffler. Il faut l’utiliser comme un liner. L’adhésif de choix pour cette procédure est l’optibond FL.
  • Après polymérisation, il est possible de réaliser une optimisation de la géométrie cavitaire, en comblant certaines contre dépouilles ou les zones plus profondes de la cavité par du composite de restauration.
  • Une seconde polymérisation finale, sous gel de glycérine doit être effectuée, pour éviter la couche inhibée, qui pourrait coller à la restauration provisoire.
  • Après cette 2eme polymérisation anaérobique, il est nécessaire d’éliminer l’adhésif sur l’émail.
  • un nettoyage soigneux à l’éthanol
  • empreinte avec un Silicone car il y a une interaction entre la base en composite et les polyéthers.
  • isolation de la préparation à l’aide de glycérine ou vaseline pour éviter l’adhésion avec la restauration provisoire, qui n’a plus que pour but de bloquer la position des dents, et protéger mécaniquement la préparation.

Le jour de l’assemblage :

La base de composite doit être nettoyée et réactivée à l’aide d’un sablage à l’alumine. Le protocole classique d’adhésion est appliqué : mordançage à l’acide orthophosphorique et système adhésif mais surtout sans photo polymériser l’adhésif avant l’insertion de la pièce !

L’assemblage peut alors être réalisé.

Conclusion :

L’IDS est une procédure facile à mettre en œuvre et qui ne nécessite pas d’équipement spécifique ou de matériel particulier. Elle apporte des avantages majeurs, en terme biologiques et mécanique mais également en terme d’ergonomie et de confort pour le praticien et le patient. Rarement abordée dans les formations professionnelles, elle trouve cependant tout son intérêt dans la notion de conservation de la vitalité pulpaire, véritable procédure endodontique

Quelques références

  1. Dumfahrt H, Schäffer H. Porcelain laminate veneers. A retrospective evaluation after 1 to 10 years of service: Part II–Clinical results. Int J Prosthodont. 2000;13(1):9–18.
  2. Friedman M. 15-year review of porcelain veneer failure–a clinician’s observations.itle. Compend Contin Educ Dent. 1998;19(6):625–8.
  3. Paul S-J, Schärer P. Effect of provisional cements on the bond strength of various adhesive bonding systems on dentine. J Oral Rehabil. 1997;24(1):8–15.
  4. Paul S, Schärer P. The Dual Bonding Technique : A Modified Method to improve Adhesive Luting Procedures. Int J Periodontics Restorative Dent. 1997;17(6):537–45.
  5. Dietschi D, Magne P, Holz J. Bonded to tooth ceramic restorations: in vitro evaluation of the efficiency and failure mode of two modern adhesives. Schweizer Monatsschrift für Zahnmedizin. 1995;105(3):299–305.
  6. Dietschi D, Herzfeld D. In vitro evaluation of marginal and internal adaptation of class II resin composite restorations after thermal and occlusal stressing. 1998;(7).
  7. Tay FR, Gwinnett AJ, Pang KM, Wei SHY. Variability in Microleakage Observed in a Total-etch Wet-bonding Technique under Different Handling Conditions. 1995;74(5):1168–78.
  8. Magne M, Stavridakis, Krejci I. Immediate Dentin Sealing of Onlay Preparations: Thickness of Pre-cured Dentin Bonding Agent and Effect of Surface Cleaning. Oper Dent. 2005;30(6):747–57.
  9. Alleman D, Magne P. Immediate dentine Sealing : A Fundamental Procedure for Indirect Bonded Restorations. Quintessence Int (Berl). 2012;43(3):197–208.

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